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nique, mais dans ces terrains eux-mêmes, nous ignorons si ces vestiges ont toujours été absents, ou s’ils ont seulement été détruits par les actions subies, auxquelles ils ne pouvaient d’ailleurs certainement résister en aucune façon.

Si donc la géologie nous offre, dans les couches successivement déposées par les eaux, les feuillets de l’histoire de notre globe, les premiers feuillets de cette histoire ont été entièrement consumés, et nous ignorons absolument quel en était le nombre ; quant aux suivants, les plus anciens sont demeurés à peu près illisibles. C’est là, en somme, ce qui résulte des beaux travaux de Lyell ; on peut, sans doute, se permettre des conclusions plus aventureuses ; mais on se place alors en dehors de tout contrôle expérimental.

La paléontologie a réuni d’ailleurs un ensemble de faits suffisant pour donner une haute probabilité à une évolution de la vie organique à la surface de la terre ; mais elle ne peut affirmer que cette évolution a commencé, et les découvertes les plus récentes semblent tendre à resserrer plutôt qu’à élargir les limites rigoureusement assignables à cette évolution. Si hardies et si séduisantes qu’elles soient, les spéculations qui étendent cette évolution aux groupements de la matière inorganique, à la formation et à la destruction des astres et des systèmes stellaires, ne peuvent donc, à aucun degré, être considérées comme démonstratives.

La question soulevée par Anaximandre reste ainsi pendante en réalité, et, comme elle offre ce caractère singulier de former un de ces problèmes où les limites de l’inconnaissable et du connaissable ne peuvent être rigoureusement tracées, elle demeure, et demeurera bien longtemps encore, sinon pour toujours, l’objet des préoccupations de la science et de la philosophie.


IX
Contre la théorie de l’entropie.

Nous allons terminer cette étude, comme nous l’avons annoncé, en essayant de critiquer la théorie de l’entropie et de réfuter les conséquences que l’on en tire, Nous ne pouvons prétendre à présenter dans ce recueil cette réfutation sous l’appareil mathématique indispensable pour le rendre complète, mais notre tentative suffira sans doute pour donner à nos lecteurs une idée des questions agitées ainsi que des difficultés qu’elles soulèvent.

On sait que la transformation de la chaleur en travail mécanique