Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
523
P. TANNERY. — anaximandre de milet

quand, pour reparaître, il n’attend peut-être qu’une idée scientifique nouvelle, tournant les esprits vers une autre direction.

Sans discuter par le menu les preuves de l’évolution du monde, on peut néanmoins dire en thèse générale qu’elles reposent sur un échafaudage de suppositions aussi plausibles que l’on voudra, aussi concordantes entre elles qu’on puisse le désirer, mais qui n’en gardent pas moins leur caractère hypothétique.

Si ce caractère est surtout frappant en ce qui concerne la conception des nébuleuses non résolues en étoiles comme des mondes en voie de formation, la discussion des faits géologiques, qui constitue sans contredit pour le moment le plus solide appui des théories de Laplace, ne permet même pas d’affirmer aujourd’hui, d’une façon positive, qu’il y a eu une époque où la vie a commencé sur la terre.

Il faut tout d’abord écarter la supposition de l’existence dans notre globe d’un noyau central fluide et à un degré de chaleur énorme ; tant qu’il ne sera pas possible de démontrer ni que cette chaleur centrale joue un rôle quelconque dans les phénomènes de la surface, ni qu’une couche donnée de l’écorce solide provienne directement du refroidissement primitif de la masse liquide.

À la vérité, en dehors de la chaleur solaire qui joue le rôle prédominant sur la superficie de notre globe, il y a bien, dans les profondeurs du sol, d’autres sources de chaleur dont on constate les effets plus ou moins notables, en particulier les phénomènes volcaniques ; mais il est constant que ces sources de chaleur proviennent de réactions chimiques qui s’exercent dans les couches solides de l’écorce, sous l’influence des eaux qui y circulent et des énormes pressions qui s’y produisent.

D’autre part, on rencontre bien, comme base des terrains stratifiés déposés par les eaux, des roches d’origine ignée, qui, comme les laves des volcans, ont été liquides et se sont solidifiées ; mais bien loin d’être antérieures aux terrains d’origine aqueuse, ces roches se sont formées après eux, comme le montrent les bouleversements qu’elles y ont apportés ; elles se sont formées par des réactions chimiques analogues à celles qui se produisent encore aujourd’hui, et sans doute aux dépens de terrains stratifiés inférieurs à ceux que nous connaissons et qui ont disparu.

Naturellement, dans ces roches d’origine ignée, aucune trace de vie organique ne peut subsister ; d’ailleurs l’action de leur substance en fusion : sur les couches voisines a été d’ordinaire assez puissante pour les transformer, au point que l’on a pu douter si l’origine de ces dernières était aqueuse ou ignée. Au dessus de ces terrains métamorphiques on rencontre immédiatement les vestiges de la vie orga-