Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
522
revue philosophique

velle évolution. Ce serait le retour pur et simple : de la science moderne à l’hypothèse d’Anaximandre[1], si les conceptions du grand penseur anglais ne portaient pas sur un univers démesurément agrandi par rapport à celui des anciens, si, par suite, un stade de l’évolution ne pouvait s’accomplir pour notre monde, tandis que le stade inverse s’accomplit pour un autre système stellaire, en sorte que, pour l’ensemble total, les évolutions partielles pourraient ne point apporter de changement appréciable.


VIII
Contre la doctrine de l’évolution.

Ainsi, sur cette grave question de l’origine et des destinées du monde, la philosophie se trouve, depuis sa naissance, ballottée entre la thèse d’Anaximandre et l’antithèse de Xénophane, sans qu’une solution nouvelle ait mérité un favorable accueil ; car la croyance à une création n’a d’importance qu’au point de vue religieux, et en ce qui concerne la récente doctrine de l’entropie, malgré son origine et ses prétentions scientifiques, nous ne pouvons voir, quant à nous, dans les conséquences que l’on en tire, qu’une suite de paralogismes, ainsi que nous l’indiquerons mieux un peu plus loin.

Au reste, la thèse et l’antithèse sont d’accord pour reconnaître comme indéfinie dans l’avenir et dans le passé la succession des phénomènes, et la divergence porte sur l’importance plus ou moins considérable des variations qui affectent l’ordonnance générale : de : l’univers. Aujourd’hui, la science paraît prêter surtout son appui à l’opinion qui attribue à ces variations la plus grande étendue que : l’on puisse concevoir ; elle semble ainsi assurer la prédominance à la doctrine d’Anaximandre, rajeunie sous l’épithète d’évolutionniste, tandis que ce serait aujourd’hui un paradoxe que de soutenir l’éternité du monde sous sa forme actuelle. Mais, si ce dogme antique de Platon aurait maintenant à triompher de tous les : arguments plus ou moins scientifiques qui ont été accumulés en réalité contre la croyance à une création, il n’y a point à se faire illusion sur la valeur des preuves ainsi apportées au système de l’évolution, du moins pour sa partie qui concerne la matière inorganique ; il n’y" a point à se figurer que le système contradictoire soit à jamais condamné,

  1. On a pu de même remarquer dans les opinions du Milésien une grossière ébauche de la doctrine de l’évolution des êtres vivants.