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P. TANNERY. — anaximandre de milet

(διαστολὴ) contre la noirceur de la nuée (παρὰ τὴν μελανίαν τοῦ νέφους) produit l’éclairement. »

Ainsi la lumière serait due à la brusque dilatation de la matière ignée, son effet étant d’ailleurs renforcé par le contraste de l’obscurité au sein de laquelle elle se produit. Mais, dans les canaux même où tourbillonne cette matière avant de s’échapper, elle doit encore rester invisible.

Quoi qu’il en soit, nous ne sommes, en aucun cas, limités par aucune raison relative à la transparence pour la hauteur à donner aux trois anneaux célestes.

Comme limite inférieure, nous possédons, pour la lune et le soleil, la dimension de l’ouverture, d’après le diamètre apparent des disques, déjà connu de Thalès, et les distances supposées par Anaximandre. De faciles constructions géométriques déterminent ces dimensions au huitième environ du diamètre de la terre pour le soleil, à près des trois quarts pour la lune. Quant à l’anneau de la voie lactée, d’après les apparences, il devait au moins, pour le Milésien, dépasser quelque peu comme hauteur le diamètre de la terre.

Anaximandre connaissait d’ailleurs certainement, comme Thalès, l’obliquité de l’écliptique, ainsi que celle de l’orbite lunaire ; mais pour expliquer, dans son système, la révolution annuelle du soleil, la révolution mensuelle de la lune, il était obligé de supposer, ou bien que les anneaux de ces astres possédaient un mouvement distinct de la révolution diurne, ou bien que les ouvertures se déplaçaient continuellement à la surface de ces anneaux. Cette seconde hypothèse, plus simple, et d’accord avec celle qui admettait la possibilité de leur changement de forme ou même de leur fermeture, — explication des phases de la lune et des éclipses, — était sans doute celle qu’il avait adoptée.

Dès lors, il n’avait aucun motif logique pour disposer obliquement ses trois anneaux ; il était plus rationnel que, malgré les apparences, augmentant considérablement leur hauteur, jusqu’à douze fois environ le diamètre de la terre, il les plaçât tous les trois parallèlement à l’équateur, leur faisant occuper tout l’espace angulaire compris pour le soleil entre les tropiques, pour la lune entre ses points de déclinaison maxima, pour l’anneau stellaire entre les étoiles les plus boréales et les plus australes de la voie lactée. Avec une représentation de la sorte, le système cosmographique d’Anaximandre offre des rapports frappants avec celui du mythe d’Er au livre X de la République, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer dans notre troisième article sur l’Éducation platonicienne[1].

  1. Revue philosophique, août 1881.