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P. TANNERY. — anaximandre de milet

d’eau[1]. Mais il osait évaluer la plus grande épaisseur verticale et la fixait au tiers du diamètre horizontal.

La terre, immobile au centre du monde, est entourée de trois anneaux circulaires. Celui qui renferme la plus grande masse de feu, l’anneau solaire, doit être le plus éloigné. Son diamètre est extérieurement vingt-huit fois[2] celui de la terre, intérieurement vingt-sept fois[3]. La double épaisseur du cerceau est ainsi égale au diamètre de la terre[4]. Quant à sa hauteur, nous n’avons pas d’indications, et nous discuterons plus loin les conjectures que l’on peut faire.

En nous rapprochant de la terre, nous trouvons la masse secondaire de feu concentrée dans l’anneau lunaire. Son diamètre extérieur est dix-neuf fois[5], et probablement, par suite, l’intérieur dix-huit fois celui de la terre. Différences avec les diamètres correspondants de l’anneau solaire : neuf fois le diamètre de la terre.

En suivant la même progression décroissante, nous devons nécessairement trouver, au plus près de la terre[6], et compris entre neuf et dix fois le diamètre de celle-ci, un anneau stellaire, correspondant à la voie lactée[7], dont le spectacle a dû, avant toutes choses, suggérer au Milésien l’idée de ces immenses cerceaux. Cet anneau stellaire devait sans doute dans sa pensée se relier à deux voûtes amincies et peut-être aplaties, résidu de l’antique écorce sphérique, et sur lesquelles étaient répartis les trous lumineux que nous voyons comme étuiles[8].

Pour compléter la restitution de ces détails, resterait à élucider deux points obscurs : Quelle était la hauteur des anneaux, sur laquelle le hardi spéculateur avait dû s’expliquer aussi bien que sur leurs autres

  1. La donnée véritable est malheureusement conservée dans un texte corrompu : Hippolyte, Refut., I, p. 16 : τὸ δὲ σχῆμα αὐτῆς ὑγρὸν στρογγύλον χιόνι λίθῳ (Teichmüller : ἐχίνῷ λιτῳ [λείῳ]) παραπλήσιον. Ἐχίνος (hérisson) a différents sens ; il signifie la partie arrondie du chapiteau des colonnes doriques ou encore une marmite, signification proposée par Teichmüller. Comme le sens originaire auquel se rapportent ces métaphores relatives à la forme est celui d’oursin de mer, j’ai soumis au savant historien, qui l’a admise comme conjecture plausible, la traduction : « La forme de la terre pour la partie liquide est arrondie et voisine de celle de l’oursin dépouillé de ses piquants, » c’est-à-dire de la coquille vide telle qu’on la rencontre fréquemment sur les bords de la mer.
  2. Plutarque, De placit. phil., II, 20.
  3. Plutarque, De placit. phil., II, 21. — Cf. Hippolyte. Refut., I, p. 16, où il faut lire ἑπτακαιεικοσιπλασίονα τῆς γῆς et non τῆς σελήνης.
  4. J’explique ainsi ἴσον τῇ γῇ dans Plutarque, De placit. phil. II, 21.
  5. Plutarque, De placit. phil., II, 25.
  6. Hippolyte, Refut., I, p. 16.
  7. Achilles Tatius, Isag. Arat., 24 : πίλημα τι ἀέρος διαυγές.
  8. Galien, Hist. phil, XIII, d : ὑπὸ τῶν κυκλῶν καὶ τῶν σφαιρῶν.