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P. TANNERY. — anaximandre de milet

laires un courant rapide, un vent, car c’est de cette façon qu’Anaximandre se représente également la production des vents dans notre atmosphère[1]. Ce courant tend à s’échapper au dehors, et, si le feutrage d’air présente une ouverture dirigée du côté de la terre, il s’y précipite avec violence et jaillit hors du canal en flammes, que nous voyons sous la forme d’un astre.

Lorsque l’air, enfermé dans un nuage, parvient à le déchirer et à s’échapper brusquement, nous voyons un éclair[2]. Un astre est donc « comme un éclair qui durerait toujours[3] », sauf quand la bouche se ferme, ce qui produit les phases de la lune et les éclipses[4]. L’action des feux célestes a, dans la suite des temps, vaporisé la plus grande partie de la masse humide rejetée au centre du tourbillon notre terre s’est formée comme un dépôt à la suite de cette évaporation, tandis que les eaux de la mer arrivaient à leur nature actuelle[5].

Les premiers animaux se sont produits dans le sein des eaux, enveloppés d’une écorce épineuse ; avec le temps, il ont trouvé une nouvelle demeure sur la terre, et, dépouillés de leur écorce desséchée et fendue, ils se sont adaptés bientôt à de nouvelles conditions de vie. Il est notamment clair que l’homme dérive d’animaux différents de lui ; car avec les difficultés de son éducation, il n’aurait pu subsister à l’origine[6].

C’est ainsi que l’univers est parvenu à l’état sous lequel il s’offre à nos yeux, mais cet état n’est point stable car tout ce qui est né doit périr, et la chaleur céleste due au mouvement continue, comme elle l’a commencé, à dévorer et à dissiper la partie centrale constituée par ce même mouvement. Ainsi, dans la suite des temps, les choses porteront justement la peine de leur isolement, le châtiment de leur iniquité[7] et reviendront à l’état de confusion originaire. Mais tl y a aussi fin à toute destruction, et la même raison qui a produit le ciel et le monde actuel en reproduira d’autres destinés à périr de même. Cette succession périodique des mondes n’a pas commencé

  1. Hippol., Refut. hœr., 1, 6. Achilles Tatius, 32.
  2. Galien, Hist. phil. XIX, p. 287. Achilles Tatius, 33.
  3. Le renouvellement de la matière du courant doit donc se faire constamment au moyen de l’air environnant et par l’intermédiaire de l’enveloppe de l’anneau.
  4. Plutarque, De plac. phil., II, 25.
  5. Plutarque, De plac. phil., III, 16.
  6. Plutarque, De plac. phil., V, 19. Eusèbe, Prœp. ev., I, 8. — Teichmüller pense que l’idée d’une pareille genèse a été suggérée à Anaximandre par la métamorphose de certains insectes à larves aquatiques, comme les cousins, par exemple.
  7. Simplicius, Comment. in Aristot. Phys., fol. 6, a.