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savons rien, quoique la première hypothèse soit la plus plausible, et que la division babylonienne, en douze heures seulement pour l’ensemble du jour et de la nuit, semble encore suivie par Eudoxe de Cnide. En tout cas, ces cadrans sphériques, se prêtant mal à l’usage public (car on ne pouvait les consulter que de très près), ne luttèrent qu’avec désavantage contre l’emploi de la clepsyde. D’ailleurs le travail d’Anaximandre, quel qu’il ait put être, et de même celui plus récent de Démocrite, auteur d’une Πολογραφίη, devaient disparaître devant les perfectionnements apportés à la construction de ces cadrans par Eudoxe de Cnide et Bérose, au IVe siècle avant Jésus-Christ.

Néanmoins on pourrait admettre au moins que le fils de Praxiade s’occupa de la construction pratique d’une sphère, ce qui s’accorderait avec une autre forme de la tradition[1]. Mais chercha-t-il ainsi à représenter la voûte étoilée, ce que Cicéron attribue déjà à Thalès ? Il n’y a pas d’invraisemblance absolue, car c’est vers cette époque que l’on commence en Grèce à s’occuper des choses célestes et à grouper, plus ou moins méthodiquement, les astres en constellations. Anaximandre, qui a le premier dressé une mappemonde terrestre, a naturellement pu chercher à lui donner un pendant pour le ciel. Mais ces premiers essais furent nécessairement très grossiers, les instruments propres à mesurer les distances angulaires des étoiles n’existant pas encore.

Le travail géographique d’Anaximandre, que nous venons de mentionner, est en tout cas bien authentique ; il nous est garanti par Strabon, d’après lequel il servit d’ailleurs de base à la première description écrite de la terre, donnée cinquante ans environ plus tard par un autre Milésien, Hécatée. Si grossier qu’ait également dû être ce travail, comme le confirment les critiques d’Hérodote[2], il n’en constitue pas moins, pour son auteur, un titre sérieux auprès de la postérité[3].

La représentation de la surface de la terre suppose qu’Anaximandre avait cherché à en évaluer les dimensions ; si malheureusement nous n’avons aucune indication sur ce point, on peut admettre

  1. Diog. καὶ σφαῖραν κατεσκεύασε. Comp. Suidas καὶ περὶ τῶν ἀπλανῶν.
  2. La planche πίναξ d’Anaximandre représentait un disque rond, entouré par l’Océan, et où l’Asie n’était pas plus grande que l’Europe ; la Grèce (Delphes ?) devait donc en être le centre.
  3. C’est sans doute à la mappemonde d’Anaximandre et à sa détermination des dimensions de la terre que se rapporte la donnée d’où provient te texte de Suidas : καὶ ὅλως γεωμετρίας ὑποτύπωσιν ἔδειξε. Rien ne nous indique qu’Anaximandre se soit particulièrement occupé de géométrie, quoiqu’on lui doive supposer les notions élémentaires apportées par Thalès en Grèce.