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F. PAULHAN. — la renaissance du matérialisme

autres systèmes sont incomplètes et superficielles en bien des endroits. Ils font de la polémique militante plutôt que de la discussion sérieuse et ne se donnent pas toujours la peine de bien comprendre et de bien apprécier les arguments de leurs adversaires. Ce fait est d’autant plus regrettable que l’on trouve chez eux des philosophes d’un grand talent.

Toutefois il importe peu au fond de la question, qui reste ouverte ; et si je veux exprimer mon opinion, non plus sur l’école matérialiste, mais sur le matérialisme lui-même, je dirai que l’on peut en faire à mon avis, une doctrine très solide, et que je serais assez disposé, par ma part, à me dire matérialiste, non point avec M. Letourneau, ni même avec M. Lefèvre, mais près de lui, si l’on débarrasse le système des obscurités et des contradictions même qu’il renferme encore, en lui donnant une forme mieux définie et plus cohérente. M. Lefèvre a commencé l’évolution du matérialisme ; mais sa doctrine, à la bien examiner, est une doctrine de transition ; elle touche au positivisme et à l’idéalisme, et se compose malheureusement encore de morceaux mal cousus et qui ne peuvent rester unis. Je crois qu’une refonte du système est indispensable et qu’en rapprochant les diverses théories empiriques on peut arriver, non par un éclectisme superficiel, mais par une combinaison raisonnée et logique de divers éléments, à un système plus cohérent ou plus acceptable que les systèmes actuels. Qu’on l’appelle actuellement phénoménisme ou matérialisme, cela importe peu, et ces noms sont aussi acceptables l’un que l’autre. Nous dirons d’eux ce que M. Lefèvre dit de l’athéisme : ils ne restent que comme protestation contre d’autres doctrines et disparaîtront le jour, si ce jour arrive, où, l’erreur éliminée peu à peu, les différents systèmes se réuniront, s’intégreront en un seul, qui ne sera ni le matérialisme, ni le positivisme, ni l’idéalisme, et qui aura, à juste titre, pour nom, le titre que M. Lefèvre donne à la seconde partie de son ouvrage, — qui sera : La philosophie.

Fr. Paulhan.