Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
487
F. PAULHAN. — la renaissance du matérialisme

nement un point faible. Je ne crois pas cependant que cette considération suffise, comme on le croit, à réfuter le matérialisme, un certain matérialisme au moins, non celui de Buchner et de M. Letourneau, mais un système plus large et plus approfondi, dont M. Lefèvre s’approche par moments. La question n’est pas résolue par le matérialisme ; il ne s’ensuit pas qu’on ne puisse la résoudre que contre lui. J’admettrais volontiers que les thèses du matérialisme et de l’idéalisme sont vraies toutes les deux, c’est-à-dire, que notre connaissance de la matière est entièrement subjective et que cependant la matière est la base de tout et que même, si l’on veut, l’esprit n’est qu’une propriété de la matière. Ceci demanderait peut-être un développement pour ne pas paraître contradictoire ; mon opinion est que c’est là cependant la solution la plus acceptable.


III

Le matérialisme et le positivisme sont des frères ennemis. M. Wyrouboff a consacré il y a près de trois ans, dans la Philosophie positive, un article fort serré et très vigoureux à la Philosophie de M. André Lefèvre. « Avec le positivisme, conclut-il, on peut arriver à la vérité objective, avec le matérialisme, quelque talent qu’on y mette, on doit aboutir à la contradiction. » M. Lefèvre, de son côté, ne voit dans îe positivisme, en ce qu’il a de bon, qu’un système matérialiste, et reproche vigoureusement aux disciples de Comte ce qu’il appelle leurs réticences. Examinons les objections des deux côtés, et tâchons d’abord de définir la situation du matérialisme par rapport au positivisme, ensuite de décider de quel côté se trouvent les bonnes raisons en cas de désaccord.

La philosophie expérimentale est un genre dont le positivisme et le matérialisme sont deux espèces, telle est l’opinion qui tend à prévaloir. Les partisans de ces deux systèmes admettent en effet que l’observation et l’expérience sont les seules bases de la philosophie ; tous les deux admettent plus ou moins la relativité de la Connaissance, tous les deus se défendent de spéculer en dehors de la science ou des sciences. Dans les grandes lignes, les deux systèmes se ressemblent un peu, mais l’accord cesse vite. M. Wyroubof reproche aux matérialistes le vague de leurs idées ; méthode expérimentale est un mot trop peu précis pour lui. « Nous nous apercevons facilement, en effet, que méthode à posteriori ou, si