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peuvent donc, en aucune façon, introduire de nouvelles forces dans le système dont il fait partie.

Est-il au moins le créateur des forces qui lui permettent de remuer ses membres ? Pas davantage. Lorsqu’il étend ou ramène ses membres, il ne fait qu’utiliser, en les transformant (décrochant), des forces déposées en lui par les aliments qu’il a absorbés, et ceux-ci, à leur tour, s’ils sont de nature végétale, représentent une certaine quantité de chaleur solaire, appliquée à la dissociation d’éléments qui, en se recombinant, fournissent à l’animal son énergie musculaire. De sorte que, en dernière analyse, les mouvements organiques — qu’ils soient volontaires ou non — ont leur source dans le Soleil. Et quant à la force même qu’il nous dispense, ce n’est, comme nous le verrons prochainement, que la différence qui existe entre sa température colossale et celle des corps qu’il échauffe. Cette différence s’amoindrissant inévitablement de jour en jour, s’il arrivait une époque où elle ne pourrait plus alimenter la vie et le changement, alors les êtres libres — supposé toujours qu’il en ait existé auparavant — seraient, eux aussi, réduits à l’impuissance.

S’il en est ainsi, il est clair que l’acte mécanique de la liberté ne peut pas le moins du monde consister à faire agir à droite une force qui serait naturellement dirigée vers la gauche. Un pareil acte équivaudrait à une véritable création ou destruction du mouvement ; et l’être qui pourrait le faire, pourrait aussi annihiler la gravité qui l’attire vers le centre du globe. Et cependant toute action sur les forces naturelles se réduit en dernière analyse à conduire vers la droite un mobile qui s’en allait vers la gauche. Ou l’homme a ce pouvoir, ou il n’est pas libre. Ce résultat, comment peut-il l’atteindre sans compromettre la loi de la conservation de l’énergie ? en disposant du temps. C’est ce que nous allons voir.

J. Delbœuf.
(À suivre.)