Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
449
correspondance

droite, mais non qu’il n’y ait pas progrès réel et, quand la science ramène la marche historique du développement à une liaison logique, elle ne semble pas pouvoir nous interdire de comparer ce qui a paru plus tard dans le temps à ce qui est antérieur. Voici qui parlerait contre la réalité du développement, à savoir : si non seulement maintenant, mais même antérieurement avaient coexisté des représentants des ordres principaux, comme M. Vernes l’affirme pour la religion. Mais il me faut combattre cette assertion. Le monothéisme primitif de l’Égypte, dont plusieurs savants se font les défenseurs, n’est, à mon avis, qu’un hénothéisme primitif à fort sentiment d’unité, et son prétendu supranaturalisme est une apparence qui disparaîtra certainement, si on étudie la chose de plus près.

Édouard de Hartmann.

Berlin, le 7 mars 1882.


Monsieur le Directeur,

Dans le numéro de janvier 1882 de la Revue philosophique, j’ai lu un savant article de M. Ch. Lévêque sur l’Esthétique musicale en France, où il touche en peu de mots à la question (qu’il caractérise d’attrayante et de difficile) des impressions si différentes produites par le mode majeur et par le mode mineur en musique.

M. Beauquier, dont il analyse l’ouvrage intitulé Philosophie de la musique, aurait caractérisé exactement les effets contraires des deux modes sur notre sensibilité, sans se flatter d’en avoir saisi le secret. Après avoir apprécié les explications que M. Beauquier a données sur les effets des tons graves et aigus, M. Lévêque ajoute « Qu’y aurait-il d’impossible à ce que leur constitution diatonique distincte (la constitution des modes majeur et mineur) les rendit propres à exprimer, je ne dis pas à imiter, des mouvements différents des êtres extérieurs à nous, comme le font, selon notre auteur, l’aigu et le grave ? et qu’y aurait-il d’absurde à ce que ces expressions fussent précisément les causes de la tristesse et de la joie, de l’inquiétude ou de la tranquillité, du malaise ou du bien-être que j’éprouve sous l’action de l’un ou de l’autre mode ? a

La lecture de ce passage m’a fait revenir à la mémoire une explication de ce phénomène, que j’avais moi-même tenté jadis dans un dialogue publié en 1862[1] bien que je n’y touche qu’incidemment, mon but n’étant pas de parler de la musique (ce pourquoi je ne

  1. Le idee nella natura ossia del simbolo poetico. Studio di psicologia applicata di J. Bonatelli. Bologna, 1862, page 26 sqq.