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I. M. Royce, employant la phraséologie de Spencer, part de ce principe : que la séquence des idées humaines correspond à une séquence d’événements extérieurs ou à des rapports de coexistence entre les choses externes : à toute relation nécessaire a : b, dans la conscience humaine, correspond un rapport A : B dans le monde extérieur, Quelle est l’hypothèse la plus acceptable pour expliquer cette correspondance ? — L’auteur définit assez bien son hypothèse en disant « que c’est celle de Berkeley, omission faite de l’élément téléologique et de l’élément causal ». Le monde externe est pour lui « une conscience actuelle, extérieure à nous », et notre pensée est vraie, par sa correspondance avec les faits de cette conscience.

Qu’est-ce que cette conscience ? Ce n’est rien d’absolu ni de divin : c’est simplement une conscience, et une conscience externe : nous n’avons rien à chercher au delà. Quant à cette correspondance qui constitue la vérité, remarquons que deux consciences peuvent avoir des états correspondants, sans que ces états se ressemblent, L’auteur entre à ce sujet dans une série d’exemples, développés avec beaucoup de méthode et de clarté, eu égard à la difficulté du sujet. Il a grand soin de faire remarquer que son hypothèse d’une conscience cosmique (World consciousness) n’est pas celle d’un esprit cosmique : elle n’est ni panthéiste ni théiste ; elle suppose simplement un « non-nous-mêmes ». Empruntons à l’auteur un exemple : Un homme regarde une chandelle. Dans la conscience cosmique, il y a un groupe d’états … c’est la chandelle réelle. Dans la conscience cosmique, il y a aussi le groupe d’états .… c’est l’image cérébrale de la chandelle, fait physiologique. D’après les lois de la réalité, l’existence dans la conscience cosmique des faits, … groupés comme ils le sont, a pour coexistent le groupe d’idées C dans l’esprit de l’homme. Ce groupe C correspond plus ou moins complètement au groupe .… en tant que ce groupe existe hors de l’esprit de l’homme, dans la conscience cosmique. Le groupe C’est l’idée que l’homme a de la chandelle. »

II. Dans la deuxième partie, l’auteur soumet son hypothèse à une critique où nous ne pouvons le suivre ; mais il répète à satiété qu’il ne la donne que comme plausible ; « que l’ontologie est un jeu ; que la théorie de la connaissance seule est un travail. » Voici sa conclusion : « À tout hasard, elle (cette hypothèse) semble bien montrer qu’une théorie idéaliste de la réalité est possible, qui, d’une part, exprime complètement les postulats de la science naturelle, et d’autre part évite toute tendance à mêler indûment l’éthique et le théorique, le téléologique et le physique. Qu’il soit donc bien compris que l’auteur a pleine conscience de la nature indémontrable de l’hypothèse qu’il avance ; qu’il admet avec insistance que la valeur de ces hypothèses n’est pas du tout en elle-même comme spéculations ontologiques sur l’absolu, mais dans leur succès à exprimer les postulats universels de cette source de toute vérité, la pensée consciente. »

A. Sincwick. La localisation de l’erreur. — Les moyens de localiser