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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Victor Egger. La parole intérieure, essai de psychologie descriptive (in-8, Paris, Germer Baillière, 1881).

La parole intérieure est une chose fort connue et fort ignorée. Elle est fort connue du sens commun : témoin ces expressions s’entretenir avec soi-même, se dire à soi-même, etc. ; il y a bien des choses dont nous disons qu’elles parlent au cœur ou à l’esprit, ce qui ne signifie pas seulement qu’elles sont pour nous les signes de certaines idées, mais encore qu’elles nous donnent l’occasion de faire et d’exprimer intérieurement une multitude de réflexions, On sait si chez les poètes le cœur parle souvent, et c’est aussi un poète qui a chanté les voix intérieures. — Elle est fort ignorée des philosophes. La psychologie classique n’en di rien ; la psychologie anglaise en parle peu et n’en dit rien qui vaille. Les grands philosophes la passent sous silence, et si l’on excepte quelques observations justes et précises de Bossuet, dont l’attention a été attirée sur ce point par les théories des mystiques et des quiétistes sur la « pure contemplation » et « l’oraison de transport », quelques théoriciens peu connus, des philosophi minores, tels que Bonald et Cardaillac, étaient jusqu’à présent les seuls qui eussent accordé quelque attention à ce phénomène, dont on parle si souvent et auquel on pense si peu. Encore ne l’ont-ils que très imparfaitement observé. À peine Bonald l’a-t-il remarqué, qu’il prend son vol et va se perdre dans les nuages de cette métaphysique mystico-idéaliste à laquelle on à fait trop souvent l’honneur de la discuter. Cardaillac voit mieux, quoiqu’il ne voie pas très bien ; il y a du moins quelque chose à garder des observations de ce consciencieux et trop effacé psychologue.

M. Victor Egger s’est donné la tâche de faire connaître cette parole incomprise. Que la question soit entièrement neuve, ou peu s’en faut, c’est ce que nul ne contestera ; qu’elle présente par elle-même un grand intérêt et doive désormais occuper une place importante en psychologie, c’est ce que M. Egger a voulu montrer, et personne, croyons-nous, après avoir lu son livre, ne niera qu’il y ait réussi. Outre le mérite d’avoir découvert une province ou, si l’on préfère, un canton ignoré de la psychologie, le livre de M. Egger se recommande encore par l’esprit dans lequel il est écrit, par la méthode qui y est appliquée. Le sous-