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H. JOLY. — psychologie des grands hommes

saire de discuter ce point. Mais ce qui importe, c’est de ne pas trop restreindre nos termes de comparaison, et c’est ce que fait gratuitement le raisonnement que nous venons d’exposer. Si l’on met sous nos yeux une fleur, nous ne la comparerons pas seulement aux autres sujets de la même espèce que nous pouvons avoir rencontrés ; nous la comparerons à l’ensemble de ce que nous connaissons du règne végétal. Aussi pour nous un beau chêne est-il incontestablement plus beau qu’un beau bouleau, et une rose bien venue est-elle supérieure au chardon le plus plantureux. Sans doute, prenez tous les pépins d’un même fruit, toutes les graines venues à maturité sur un même pied, vous obtiendrez avec le choix des sujets supérieurs : c’est ainsi que les jardiniers se procurent avec les semis des types remarquables et créent des variétés nouvelles. Mais enfin cette sélection opère-t-elle au hasard sur toute espèce de plantes ? Non assurément. Il en est qui n’en valent pas la peine. Mille comparaisons nous ont fait goûter ici la résistance, le poli, la flexibilité du bois, la hauteur du tronc, l’étendue des branches, la largeur des feuilles, là le dessin, l’attitude, le coloris ou le parfum des fleurs, et ce que nous demandons à une plante, ce n’est pas seulement de réunir en elle au plus haut degré les qualités propres à son espèce, c’est aussi d’appartenir à une espèce réunissant déjà plusieurs de ces qualités dignes d’être recherchées, cultivées et perfectionnées.

Prenons maintenant les races d’hommes ou les diverses populations du globe telles que nous les trouvons soit dans l’histoire, soit dans les explorations actuelles de la terre. Quelles en sont les origines ? À quel moment les peuplades ont-elles assez de caractères, de persistance et de cohésion pour mériter le nom de races, peu nous importe. Ce qui est certain, c’est que les représentants achevés de chacune d’elles (à supposer qu’on puisse les relever et les décrire) formeront entre eux une hiérarchie reproduisant exactement les degrés de perfection ou de grandeur qui distinguent les sociétés dont ils sortent. Ce n’est donc pas seulement avec ses concitoyens que nous comparons tel ou tel individu donné par l’histoire, c’est avec ce que les autres nations, peuplades ou cités, ont pu enfanter de meilleur. Cet individu peut être grand par rapport aux siens, sans l’être je ne dis pas absolument, mais relativement à ce que nous connaissons du reste de l’humanité ; et enfin nous commençons à en connaître beaucoup. Supposons, par exemple, un Zoulou, un Boër, un Yoloff résumant en lui tout ce qu’il y a de courage, de vigueur, de dextérité ou de ruse chez les guerriers qu’il commande : ce sera un grand Zoulou, un grand Boër, un grand Yoloff et rien de plus. Nous discutons pour savoir si Vercingétorix fut plus qu’un grand