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Au milieu des contradictions douloureuses, désordres physiques et troubles intérieurs, qui nous divisent et nous déchirent, les besoins qui ont donné naissance aux métaphysiques et aux religions ne disparaîtront pas, parce qu’ils répondent aux lois de la vie et de la pensée, parce que l’amour de l’harmonie n’est que l’amour de l’être, l’instinct de conservation sous sa forme la plus haute, la tendance même à organiser son esprit et son corps. Les négations sont utiles, elles empêchent les idées de s’évanouir peu à peu des mots. De nouveaux faits, c’est un monde nouveau à interpréter, à rendre intelligible. Est-il vraisemblable qu’à force de savoir on renonce à comprendre ? Plus les faits se multiplient, plus devient impérieuse pour l’esprit la nécessité de chercher un point de vue sur le monde, d’où la diversité des phénomènes se ramène à l’unité harmonieuse d’une pensée en accord avec elle-même. Donner un sens à la vie et aux choses, c’est le premier but que s’est marqué l’esprit, le principe de ses premiers efforts ; il peut l’oublier sur sa route, il y marche, et, qu’il le sache ou non, il s’en rapproche.

G. Séailles.
Leipzig, mars 1882.