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donné, à limiter par deux impressions semblables une durée qui semble égale à la durée normale.

Dans son étude sur le Sens du temps, M. Julius Kollert, dirigé par M. Wundt, a procédé de la façon suivante : Après avoir constaté par expériences que les deux méthodes des cas vrais et faux et des erreurs moyennes, employées par Vierordt, ne peuvent donner des résultats exacts, il a employé la méthode des plus petites différences perceptibles. On a deux métronomes qui peuvent être arrêtés instantanément. « L’un, qui garde toujours le même mouvement pendant une série d’expériences, sert à établir le temps normal ; l’autre, après un intervalle d’une longueur quelconque, sert à établir le temps de comparaison ; son poids mobile après chaque expérience est déplacé, et le temps de comparaison changé. Dans chaque série d’expériences, on fixe d’abord le temps normal t, ensuite, après un intervalle δ, le temps de comparaison θ. En premier lieu, θ est pris égal à t ; ensuite par le dérangement du poids mobile θ est un peu diminué ou grandi, et cela jusqu’à ce que le temps de comparaison pour tous les sujets soumis à l’expérience paraisse clairement plus petit ou plus grand que le temps normal. Ces limites atteintes, le poids mobile du métronome donnant le temps de comparaison est successivement ramené jusqu’au point où pour tous les sujets soumis à l’expérience la différence entre t et θ de nouveau devient nulle. » L’expérience comprend donc deux parties : on prend θ = t, on diminue θ jusqu’à ce que le temps de comparaison paraisse plus petit que le temps normal, puis on ramène θ jusqu’au point où il semble de nouveau égal à t. De même on grandit θ jusqu’à ce qu’il semble plus grand que t et on le ramène jusqu’au point où il semble de nouveau égal à t. On comprend que du rapprochement des nombres obtenus il soit possible de tirer des conclusions sur la délicatesse du sens du temps. Les résultats obtenus, sous leur forme générale, s’accordent avec ceux de Vierordt ; le temps de comparaison n’est pas égal au temps normal ; pour des durées très petites, l’erreur est positive ; si nous reproduisons par exemple une fraction de seconde, nous dépassons le temps normal ; en un certain point, l’erreur devient nulle, et pour des durées plus longues elle devient négative. À coup sûr, ces expériences sont intéressantes, mais elles ne s’appliquent qu’à des durées très courtes, de 0,4 de seconde à 1 seconde 2 ; de plus, peut-on dire qu’il y ait un sens du temps ? Dans la vie réelle, il n’y a pas en quelque sorte de temps objectif, parce que le même espace de temps nous semble tout différent de lui-même selon les mouvements de notre vie intérieure, parce qu’à vrai dire ce ne sont pas les battements réguliers du pendule, mais bien plutôt les battements capri-