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sensations de couleur aux perceptions visuelles composées les plus simples ; très remarquable le rapide accroissement de la durée quand croit la complication. Ce fait montre, comme on devait s’y attendre, qu’il faut une activité psychique plus intense pour former une représentation composée que pour percevoir une simple sensation de couleur. » À coup sûr, il n’y a dans ces résultats rien de bien extraordinaire, et j’ose dire que les vieux psychologues, en remontant jusqu’aux stoïciens, avaient mis en lumière et la nécessité et le progrès de l’attention dans la connaissance ; j’ose dire qu’on n’a pas attendu la nouvelle psychologie pour savoir qu’il faut plus de temps pour faire un livre que pour lire un journal ; mais la manière de présenter les faits et de les découvrir ne peut être considérée comme indifférente dans la science, et il est certain que, si flottants que soient les nombres dans lesquels se résument les expériences, ils donnent beaucoup plus de précision à ce fait d’observation vulgaire que la durée des actes psychiques croît comme leur nombre et leur complication. D’autre part, il faut signaler deux difficultés : la première, c’est que jusqu’ici on est réduit à des propositions très générales, que les expériences donnent non pas des nombres humains, si j’ose dire, mais des nombres individuels ; la seconde, c’est qu’on peut opposer à l’hypothèse sur laquelle reposent les calculs une hypothèse différente[1]. On admet qu’étant donné Rd, c’est-à-dire la durée d’une réaction de deuxième ordre, il suffit, pour avoir le temps D de l’acte d de retrancher R de Rd, l’acte simple de l’acte plus complexe qui le comprend. Mais est-il impossible que l’état d’attente influe sur chacun des moments du processus psychique, donc sur l’acte simple lui-même ? qu’en un mot le trouble qui résulte du nombre plus grand et de la complexité croissante des objets de la connaissance n’influe sur chacun des actes psychiques compris dans l’acte complexe, et que dès lors, en retranchant R de Rd, on ne tienne pas compte du changement de durée qui résulte pour R de la présence même de d.

Les méthodes de comparaison se divisent en deux méthodes : méthodes de complication, méthodes de reproduction. Étudions d’abord la première de ces méthodes. Étant données deux excitations extérieures disparates et simultanées, les représentations corres-

  1. M. Wundt oppose à cette objection qu’elle est toute logique, faite d’un point de vue tout subjectif ; selon lui, les expériences permettent d’affirmer qu’en fait les notes simples unis dans l’acte complexe sont indépendants et peuvent être par suite isolés les uns des autres d’une façon toute mathématique. Il est certain qu’il est toujours facile d’opposer à des expériences une objection abstraite : nous ne laissons ces lignes que pour appeler l’attention des expérimentateurs sur un point délicat et douteux.