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III

Les méthodes psycho-physiques servent à découvrir les premiers matériaux de la conscience, les phénomènes qu’on retrouverait partout, sous des formes diverses, si nos analyses pouvaient toujours égaler les synthèses de la nature. Ce premier problème présente encore de graves difficultés ; déjà cependant il est nettement posé et en partie résolu[1]. Ce n’est pas assez de connaître les éléments, il faudrait pouvoir les suivre dans leurs combinaisons : la psychologie expérimentale aborde ce nouveau problème ; mais, suivant une marche lente et progressive, elle n’étudie des combinaisons que les plus simples, les perceptions. Quels sont les éléments dont se compose une représentation complexe ? selon quelles lois ces éléments sont-ils combinés ? Deux méthodes permettent de résoudre ce problème : une méthode directe ou synthétique, une méthode indirecte ou analytique. La première consiste à reconstruire la perception, étant donnés ses éléments ; la seconde consiste à varier les conditions qui donnent naissance à la perception et des résultats de ces expériences à tirer des conclusions sur les éléments qui se combinent en elle.

La méthode directe ou synthétique suppose deux conditions ; il faut : 1o que les éléments puissent être isolés et devenir des représentations distinctes ; 2o que ces éléments puissent être combinés arbitrairement par nous. Ces deux conditions n’étant réalisées que dans certaines représentations de l’ouïe, la méthode directe sert moins à découvrir les éléments qu’à vérifier les résultats de l’analyse.

« La méthode indirecte ou analytique, en modifiant la qualité d’une perception ou les conditions sous lesquelles elle se présente, cherche à découvrir ses éléments. » Cette méthode, toujours analytique, comprend deux procédés : tantôt avec ou sans l’aide d’instruments, elle divise un acte de perception donné ; tantôt elle modifie les conditions dont l’ensemble produit la perception. Le premier procédé peut s’appeler méthode de division ; le second, méthode de variation.

La méthode de division consiste à grossir au moyen de certains procédés et à isoler ainsi les sensations comprises dans une perception complexe. Ce procédé rappelle à la fois les instruments par lesquels nous multiplions le pouvoir de nos sens (microscope, microphone), et les instruments par lesquels nous divisons un tout complexe en

  1. Voy. les conclusions du chapitre de M. Th. Ribot : Fechner et La psychophysique (Psychologie allemande contemporaine, p. 155, et en particulier p. 210 sq.).