Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
344
revue philosophique

le monde de la pensée est analogue à l’œuvre de la physique dans le monde des choses.

La physique décompose les phénomènes complexes en leurs éléments, détermine les propriétés de ces éléments, cherche leurs rapports dans le temps. La psychologie expérimentale « décompose le contenu de notre conscience en ses éléments, étudie ces éléments, leurs propriétés qualitatives et quantitatives, et s’efforce de découvrir d’une manière exacte leurs rapports de coexistence et de succession. » Le problème général de la psychologie expérimentale comprend donc trois questions : 1o Quels sont les éléments de la conscience, leurs propriétés qualitatives, quantitatives ? 2o Comment se combinent-ils pour former des faits de conscience d’une nature de plus en plus complexe ? 3o Quels sont les rapports de coexistence et de succession, les lois générales qui dominent les faits intérieurs ? À ces trois problèmes répondent trois méthodes : 1o méthodes psycho-physiques proprement dites ; 2o méthodes pour l’analyse des perceptions externes ; 3o méthodes pour la mesure de la durée des actes psychiques.

Cette définition générale nous permet déjà de déterminer les conditions et les limites de la psychologie expérimentale. « Les trois problèmes posés, dit M. Wundt, ne peuvent être résolus avec succès que dans le cas où les phénomènes subjectifs sont dans une dépendance régulière des objets externes avec lesquels notre conscience est en rapport. » Si l’on s’en tient à cette condition rigoureuse, le champ de la psychologie nouvelle semble très limité : cette dépendance régulière ne paraît exister que dans les sensations et les perceptions externes. Les volitions et les phénomènes affectifs sont soumis à des influences subjectives qui échappent au calcul, et les faits intellectuels complexes sont tout entiers subjectifs. À l’action des objets externes se substitue ici, il est vrai, l’action des centres nerveux : le problème psycho-physique se modifie, la question est alors de rattacher les lois de l’esprit aux lois de la vie, les modifications de la pensée aux modifications du système nerveux. Mais dans ce cas l’expérience, quand elle est possible, ne porte plus sur un fait physique comme l’excitation, elle porte sur les phénomènes complexes de la biologie, qui trop souvent, jusqu’ici, échappent à nos prises. Comme d’ailleurs seule la conscience donne la notion des faits psychiques et de leurs rapports, la psycho-physique suppose parallèlement une psychologie bien faite et exige le concours constant de la méthode subjective. Mais supposons la psychologie achevée, les faits spirituels rattachés à leurs antécédents physiques et physiologiques, tous les phénomènes de la vie intérieure soumis ainsi