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main, dit-elle, je voudrais te rendre encore plus contente. Je voudrais toujours être bonne. Mais, dis-moi, pourquoi ne puis-je pas être toujours bonne ? » Avec la tendance à la réflexion, la sympathie, l’amour de la louange, l’amour-propre, l’exemple, la crainte du reproche, le désir de n’être pas grondé, de faire plaisir à sa mère, s’accroissent et aident à se constituer cet état dans lequel la réflexion domine la tendance contraire et rend possible le gouvernement de soi-même. Ainsi la conscience morale se forme peu à peu et d’éléments très divers, parmi lesquels L. Ferri compte l’influence des états de l’organisation. Sa conclusion, qui est aussi celle de l’auteur de L’éducation dès le berceau, est qu’il faut traiter l’enfant, non comme personne libre, mais comme capable de le devenir.

— Un autre article de L. Ferri, dans la même livraison, se recommande expressément à notre attention : il a pour titre L’enseignement de la philosophie dans les lycées. Le ministre Baccelli, après avoir consulté une commission composée de MM. L. Ferri, Turbiglio et Bionda, en vue d’une modification des programmes, pensa qu’on devait maintenir les branches principales de la philosophie, logique, psychologie, éthique, à cette restriction près que les professeurs s’étendraient sur l’enseignement de la logique, conserveraient celui de la morale en tant qu’il pourrait s’accorder avec le traité de Zanotti, et réduiraient la psychologie aux notions fondamentales, la considérant comme une introduction à l’étude de la logique et de la morale.

Le projet ministériel n’obtint pas grande faveur auprès du conseil supérieur de l’instruction publique. Par lui furent rayées les notions de psychologie, la logique transformée en art logique, et le traité de Zanotti repoussé ; il adopta l’idée d’un abrégé de la Morale à Nicomaque, étudié dans le texte grec. Des protestations s’élevèrent de toutes parts contre cette malheureuse combinaison. Un membre de la commission signala au public dans une lettre le danger qu’il y aurait à suivre le programme édicté par le conseil supérieur, si l’on n’en corrigeait les défauts par quelques instructions opportunes. Le ministre comprit qu’il ne devait « confier cette tâche qu’à un homme par-dessus tous éminent et autorisé ». C’est le comte Mamiani qui en a été chargé, et « il semble qu’il s’en soit acquitté avec la plus grande habileté, de manière à détruire entièrement les effets redoutés des décrets, ainsi transformés par le conseil supérieur. » Résumons ici lesdites instructions.

Comme les doctrines philosophiques sont exposées dans les universités, il faut que les éléments en soient enseignés dans les lycées ; du reste, une foule de jeunes gens peuvent déserter le champ de la littérature et de la philosophie pour se livrer à d’autres sciences, et à toutes ces sciences il est nécessaire d’appliquer un esprit et une méthode philosophiques.

Les éléments dont nous parlons doivent habituer les esprits au langage et à la méthode philosophique, aux opérations d’usage courant, à l’abstraction, à la spéculation, à l’attention dirigée en toute sûreté sur