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PÈRIODIQUES.La Filosofia delle scuole ilaliane.

vaquer, de concentrer son attention sur des désirs réels ou factices, et de faciliter ainsi les voies à une intention qui est déjà un vouloir, par la connaissance réfléchie d’où elle naît, et qui devient vouloir capricieux et dominateur, pour peu qu’on cède habituellement aux désirs exprimés par l’enfant. Un fait que le père philosophe a bien souvent noté chez ses deux enfants, c’est l’artifice auquel elles recourent pour se débarrasser d’une chose qu’on les contraint de faire : par exemple, Betty, dans sa deuxième année, imaginait souvent de témoigner un besoin qu’elle n’éprouvait réellement pas, pour qu’on la fit descendre de sa chaise et qu’on l’éloignât de la table, où elle se déplaisait : son calme dans cette circonstance, son intention évidente, ne permettaient pas de douter qu’il n’y eût de la volonté dans son état de conscience. Le même fait s’est reproduit pour sa petite sœur, sauf la différence accessoire du but. L’intervention de la volonté s’est manifestée souvent aussi, dès l’âge le plus tendre, par le changement qu’une raison réfléchie amenait presque subitement dans les plaintes et les cris de l’enfant, lorsqu’il était en proie à un désir non satisfait ou à quelque violente contrariété. D’autres fois l’association et le sentiment interviennent comme coefficients d’un acte, avec la première apparition de la volonté appréciative et comme le germe du remords. Betty, vers l’âge de deux ans, appelle sa bonne vilaine ; suit l’interrogation : « Qui vilaine ? » Et l’enfant, après un moment de silence significatif, répond : « La poupée vilaine. »

Dans des éléments qui constituent la genèse de la volonté chez l’enfant, L. Ferri se montre particulièrement soucieux d’accorder les explications physiologiques et les explications psychologiques, en sorte que ses conclusions rejoignent celles de D. Ferrier sur la marche du processus volontaire. Pour lui, la volonté suit des phases de développement parallèles à l’éducation des organes nerveux. Il avoue même que, pendant les premiers temps, la nature de la volonté paraît donner raison à ceux pour qui les habitudes des enfants peuvent s’engendrer à la suite d’une seule impression, tant sont grandes la puissance et la réaction de leur sensibilité. Un jour, le père, assourdi par les cris de son enfant, élève la voix et crie beaucoup plus fort qu’elle, pour la faire taire ; l’impression fut telle que pendant quinze jours l’enfant ne voulut plus regarder son père, et qu’il fut obligé de faire amende honorable, et de mettre dans son maintien la plus grande douceur possible, pour rentrer en grâce auprès d’elle. Une autre fois, dans un accès de colère, elle se mit à prononcer une horrible imprécation, qu’elle avait par hasard entendu proférer par un homme du peuple ; l’association et l’imitation avaient si promptement uni leurs racines, et la force de l’habitude était si vite née, que, quoi qu’on pût faire, on ne pouvait en venir à bout. Le développement de l’intelligence et de la connaissance put seul la corriger, La docilité s’est aussi accrue avec le développement de la réflexion. Déjà, à trois ans, priée par sa mère d’être bonne, elle fit plus d’une fois cette singulière réponse : « Je sens que je ne puis être bonne. » Une autre fois, sa mère l’ayant félicitée de sa bonne conduite : « De-