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parallèles et une sécante, ces derniers avec, le troisième angle du triangle font une somme égale à deux droits. Or par le sommet d’un triangle il est toujours possible de mener une parallèle à l’un des côtés, et la conséquence nécessaire de cette propriété générale des triangles, c’est que la somme des angles soit telle. Bref, une démonstration sur un exemple unique, à l’aide d’une construction applicable à tous les cas semblables, voilà le fondement de ce que M. Jacob appelle une généralisation inductive mathématique. « Avec Barbara et toute la syllogistique, impossible de s’élever jamais à des propositions générales positives dont le contenu soit nouveau. Et cependant la mathématique comme science de démonstration atteint à de telles propositions ; mais ce n’est pas à la syllogistique, ou du moins à elle seule, qu’elle en est redevable ; c’est à l’union combinée de celle-ci avec un procédé tout autre, l’induction. » L’auteur fait ici fausse route de deux manières. D’abord la méthode de démonstration mathématique n’a rien de commun avec le syllogisme ; un maître éminent, M. J. Lachelier, l’ayant établi avec une clarté surabondante (voy. De natura syllogismi, pag. 941), M. Th. Jacob nous permettra de le renvoyer à ce remarquable exposé de la question, Ensuite c’est par une regrettable confusion d’idées qu’on assimile la généralisation des démonstrations mathématiques à la généralisation des démonstrations empiriques ; c’est à tort qu’on les range l’une et l’autre dans la langue courante sous le titre d’induction. La mathématique se meut dans l’universel, qu’elle détermine, délimite, construit à priori ; elle n’a que faire d’étendre après coup, comme en se ravisant, ses résultats ; l’extension de ces derniers est celle même des concepts, c’est-à-dire illimitée de soi, et elle n’a rien à craindre des démentis de l’expérience, parce que la démonstration porte sur les seules conditions formelles de toute expérience possible. En matière de science expérimentale, c’est une autre affaire. Le concept étant d’origine empirique ne peut, sans danger, être universalisé : il devient nécessaire de multiplier et de comparer les cas d’expérience. Dans quelle mesure et pourquoi ? M. Jacob nous le dira fort justement tout à l’heure.

Voici en attendant comment on se flatte d’identifier deux méthodes aussi distinctes. En mathématiques, on établit, dit l’auteur, que l’attribut B est la suite indispensable et nécessaire d’un attribut A que toutes les figures N possèdent en commun. Donc dès qu’une figure quelconque N sera donnée, ou bien elle possédera le même attribut A, ou bien on se sera mépris sur la liaison présumée nécessaire et réciproque de N et de B. Pour revenir à l’exemple cité, la parallèle (A) menée d’un des sommets d’un triangle au côté opposé donne naissance à deux angles égaux terme à terme à deux des angles du triangle. Or, comme on peut toujours mener une parallèle de ce genre (A), comme ladite construction entraîne toujours ladite égalité (B), on peut en conclure que tout triangle N, étant inséparable de A, l’est également de B, c’est-à-dire que la somme S = 2dr,