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ANALYSES. — TH. JACOB. Die inductive Erkenntniss.

inévitables se produiront, des confusions entre les concepts infimes. Ainsi, pour avoir vu nager l’oie et le canard, l’enfant n’en fera qu’une seule et même espèce d’oiseaux. Malgré tout, cette généralisation irréfléchie, du moins dans ses grandes lignes et aux degrés supérieurs, restera : la distinction des oiseaux, des mammifères, des poissons, par exemple, sera définitivement acquise. Preuve évidente qu’une énumération absolument complète, ἐπαγωγὴ διὰ πάντων, n’est pas la condition indispensable de la généralisation inductive. Retenons cet enseignement.

Si l’expérience ultérieure — car il faut tout prévoir — vient à nous révéler des types d’êtres jusque-là inobservés, la classification générale n’aura pas à en souffrir. Où leur fera leur place dans l’un des cadres établis, en haut ou en bas, selon la loi taxinomique de l’affinité des caractères. L’économie du procédé intellectuel de généralisation (entendez d’induction) n’est point à la merci d’une particularité propre à quelques individus, d’une espèce en plus ou en moins. N’eussiez-vous jamais vu aucun type de batraciens, la seule connaissance des mammifères vulgaires, des oiseaux communs, des poissons et des reptiles les plus humbles suffirait à fonder un concept légitime (trop lare ou trop étroit, il n’importe) d’un embranchement zoologique défini. À une certaine hauteur, la délimitation générale des espèces ne dépend plus de la délimitation spéciale. Et, par une sorte d’effet en retour, une fois la classification suffisamment avancée, il ne sera besoin que d’un seul échantillon pour dénoncer à l’esprit du savant l’existence d’une espèce nouvelle : à tel point que des milliers de spécimens semblables ne nous apprendraient rien de plus. L’examen d’une grenouille unique prouverait au naturaliste qui n’en aurait jamais vu d’abord qu’il s’agit là d’une nouvelle espèce, et, qui plus est, d’une classe nouvelle à joindre aux autres, À une condition toutefois : c’est qu’il observerait l’évolution biologique totale de l’individu, en vue de s’assurer que la forme typique actuelle du sujet n’est point une métamorphose transitoire d’une espèce déjà connue.

L’induction sous sa forme spontanée est donc une opération intellectuelle où l’erreur, en matière de sélection des caractères, n’affecte sérieusement que les espèces tout à fait inférieures. Comment ce procède atteint-il toute sa rigueur scientifique ? La liaison logique des attributs entre eux est-elle la même pour toute espèce de concepts, le concepts mathématiques et les concepts empiriques. C’est la seconde question. C’est ici, sur ce sujet de la connaissance mathématique, que le désaccord commence entre M. Jacob et nous. Cette forme de connaissance serait, d’après lui, une induction très voisine en réalité de l’induction expérimentale. Ainsi, le théorème relatif à la somme des angles du triangle : il se démontre sur un seul cas, le triangle ABC. Nous nous disons : Si la somme des angles du triangle considéré doit être égale à deux droits, la raison en est que deux des angles du triangle étant les alternes ou correspondants d’angles formés par deux