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tout à fait ce qu’il devait être dans la première intention de l’auteur : celui-ci a dû, chemin faisant, modifier le plan de son ouvrage.

M. Windelband, on se le rappelle[1], divise en trois parties l’histoire de la philosophie moderne : la philosophie avant Kant, la philosophie Kantienne, la philosophie après Kant. Son premier volume, consacré à la première partie, nous menait jusqu’à Kant ; le second devait comprendre la seconde et la troisième, aller de Kant jusqu’à nos jours. Comme on pouvait le prévoir, il n’a pas été possible d’épuiser en un seul volume une si riche matière : la philosophie contemporaine est restée en dehors et fera l’objet d’un troisième volume, actuellement en préparation. Le tome II, que nous avons sous les yeux, traite exclusivement de Kant et de ses successeurs allemands. L’auteur s’est aperçu, en pénétrant dans le dédale de la littérature philosophique contemporaine, que ce n’était pas une petite tâche de l’explorer tout entière et d’en donner un résumé méthodique. Sous peine de se contenter d’indications sèches et superficielles, il devait se livrer à des recherches fort longues, dont quelques-unes ne pouvaient se faire que dans les bibliothèques de France et d’Angleterre. Des années se seraient écoulées, dit-il avec un juste sentiment de la difficulté, avant qu’il fût à même de dégager de tant de lectures ce qui a une réelle portée et mérite d’être mis en relief. Ajoutons que, de telles recherches une fois faites, il eût été dommage d’avoir à en accumuler les résultats dans un espace restreint, sous une forme sèche et étriquée. Nous ne pouvons donc que nous féliciter du parti auquel l’auteur s’est arrêté. Ce n’est pas trop d’un volume entier pour l’histoire générale de la philosophie au xixe siècle, et si cette histoire vaut par la netteté des aperçus, par l’ordre, par l’habileté de la mise en œuvre, autant qu’elle vaudra, nous le savons d’avance, par le sérieux et la solidité des études préparatoires, on peut lui prédire un grand succès.

Le présent volume est d’un intérêt plus étroit : il ne traite que de l’Allemagne et d’une phase relativement courte de la pensée allemande. Mais les historiens ne vont presque jamais plus loin, et l’auteur a raison de dire qu’à la rigueur son Histoire de la philosophie moderne forme dès à présent un tout complet, embrassant tout ce qui est réellement historique. Il n’a pas tort non plus de voir dans cette grande période de la philosophie allemande, qui commence à Kant et finit avec Hegel et Herbart, une époque singulière, jusqu’à un certain point en dehors du cours général de l’histoire, et qui demande plus que toute autre à être exposée à part.

Notre temps menace-t-il, comme le dit M. Windelband, de ne plus même comprendre avant peu la grandeur spirituelle de cette époque ? Elle a toujours été assez mal connue chez nous et commence, au contraire, à devenir de notre part l’objet de sérieuses études. L’auteur

  1. Voy. notre article sur son premier volume : Revue philosophique, 1879, t. VIII, p. 207.