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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Fr. Pollock.Spinoza, his life and philosophy. London, C. Kegan Paul et Cie. 1880.

Si la critique doit aux auteurs d’en user avec eux comme ils ont fait avec leur sujet, M. Pollock ne lui à pas rendu la tâche aussi facile qu’attrayante, Tout dans son livre annonce une œuvre formée longuement, à loisir, avec un soin qui est de la piété discrète. C’est bien ainsi, avec cette patience et cette candeur de raison, que Spinoza souhaitait de voir sa pensée étudiée, cette manière était la sienne, sa méthode, la clef de sa philosophie. M. Pollock s’en est souvenu : c’était plus qu’une justice, c’était une condition de vérité,

Il l’a d’autant mieux remplie qu’il l’a fait naturellement, sans y songer, sous l’action bienfaisante de cet esprit dont il parle, qui est à ses yeux le spinozisme presque entier, et qui anime au plus haut point son livre, Le lecteur qui l’y reconnaît, qui en ressent lui aussi l’influence, pourrait-il, dans l’étude et l’appréciation de cette œuvre, échapper au désir de rendre à M. Pollock en attention, en effort d’esprit, en réserve patiente de jugement, un peu de ce qu’il & si libéralement donné à Spinoza ? Hegel, dont le témoignage peut compter ici, disait que le spinozisme était de toutes les philosophies celles qu’on devrait étudier en dernier lieu, parce qu’aucune n’est aussi difficile, et Jacobi, que le lecteur pour qui une seule ligne de l’Éthique reste obscure doit douter s’il a compris Spinoza, M. Pollock, qui n’est pas loin de ces opinions, doit comprendre nos scrupules au moment de présenter son livre aux lecteurs de cette Revue, et d’exprimer une opinion à la fois sur Spinoza et sur un des plus compétents de ses interprètes.

Nous nous réservons d’étudier dans des articles à part les principaux problèmes agités dans cet ouvrage. C’est l’honneur des livres comme celui-ci, que pendant des années ils font pour ainsi dire partie intégrante du sujet qu’ils traitent, et qu’on ne l’aborde plus qu’en les traversant. D’autre part, et le fait n’est pas moins honorable, il est impossible de les faire connaître, d’établir ce qu’ils valent, sans entrer soi-même dans le détail intime du sujet : car un jugement sérieux sur l’œuvre en suppose un sur le fond, dûment motivé, et l’autorité qui manque à l’un manque à l’autre.