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pasons, viennent, en premier lieu, les voyelles de la voix humaine[1].

« Mais, de même que les voyelles de la voix humaine, les sons des différents registres de l’orgue peuvent être reproduits par notre appareil, pourvu qu’ils ne présentent pas d’harmoniques trop aigus : il manque cependant toujours aux sons imités le bruit aigre et sifflant que donne le courant d’air en se brisant contre les lèvres du tuyau. Les diapasons ne peuvent reproduire que la partie purement musicale du son. Pour l’imitation des instruments à anche, il manque les harmoniques mordants dans le haut : on peut cependant reproduire le nasillement de la clarinette au moyen d’une série d’harmoniques impairs, et le son doux du cor au moyen d’un chœur complet de diapasons[2]. »

M. H. Helmholtz ne cache pas que son appareil ne peut imiter tous les sons et que, malgré les ressemblances constatées, il reste des différences entre les sons imités et les sons naturels. Il n’exagère donc nullement la portée de ses belles expériences. Cependant, à ne les interpréter qu’avec discrétion, il en ressort deux faits dignes d’être recueillis. D’abord elles montrent qu’un appareil sonore, sinon un instrument au sens propre du mot, formé de tuyaux à anche, reproduit les voyelles de la voix humaine. Ensuite, elles prouvent qu’un même appareil, composé de diapasons et de caisses résonnantes, reproduit d’une part les voyelles de la voix humaine, qui sont les éléments les plus musicaux de cette voix, et, d’autre part, les sons de certains instruments, précisément de ceux qui sont le plus musicaux et qui ont le plus d’analogie avec notre voix.

N’y a-t-il pas là un remarquable commencement de preuve physiologique à l’appui des résultats auxquels nous étions arrivé par une autre route ? La physiologie démontre donc, elle aussi, que les instruments les plus musicaux sont jusqu’à un certain point des voix non parlantes sans doute, mais chantantes. Il est par conséquent permis d’affirmer qu’aucun instrument de réelle valeur musicale n’est purement, exclusivement instrumental, et que tout instrument de cette nature est vocal à un plus ou moins haut degré.

Il faut chercher maintenant si la composition instrumentale, si l’œuvre écrite pour les seuls instruments est, de son côté, vocale dans une mesure appréciable, et si l’on a le droit de dire avec M. L. Pillaut : il n’y a pas de mélodie purement instrumentale. Pour le découvrir, nous allons appliquer notre méthode d’analyse aux formes diverses de 12 musique instrumentale.

Ch. Lévêque,
De l’institut.

  1. Theorie physiologique de la musique, page 156.
  2. Même ouvrage, page 158.