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des M, des N’et des voyelles simples, comme mama, nein, et dans ces mots on entend très aisément et très nettement les voyelles qu’ils contiennent.

2o Sous le rapport harmonique, les voix humaines sont assez semblables aux timbres de l’orgue[1]. D’une manière générale, dans certains cas, les sons d’instruments deviennent plus ou moins semblables à l’une des voyelles de la voix humaine[2]. Il y a des circonstances où le son du cor peut être pris pour le son de la voix humaine[3]. — Et de là vient, dirons-nous, que le cor est celui de tous les instruments que la voix de l’homme imite le moins imparfaitement.

3o Les bons timbres musicaux sont les plus riches en harmoniques[4]. Or les voyelles sont les sons qui contiennent, sinon le plus grand nombre d’harmoniques, du moins le plus grand nombre des harmoniques qui sont en tel rapport avec notre oreille que celle-ci i est évidemment accordée pour les sentir. Il est surprenant que la voix humaine soit si abondamment pourvue des harmoniques pour lesquels l’oreille humaine et sensible[5].

4o Pour les différentes voyelles, la cavité de la bouche est accordée à différentes hauteurs. La bouche humaine est une caisse résonnante qui se comporte comme un tuyau d’orgue[6].

De ces observations, si curieuses et rigoureusement scientifiques, se dégage un résultat incontestable c’est que certains sons d’instruments sont des voyelles et que, pour les produire, les instruments agissent comme la voix, deviennent une voix semblable à la nôtre ; de même que notre voix, en prononçant les voyelles, agit comme ces instruments, fonctionne en instrument[7]. Mais jusqu’à quel point l’analogie est profonde, on ne le comprend suffisamment que lorsqu’on étudie les expériences dans lesquelles la science force des appareils résonnants artificiels à composer et à prononcer les voyelles de notre voix.

Ces expériences, M. H. Helmholtz ne prétend pas être le premier

  1. Même ouvrage, page 265.
  2. Même ouvrage, page 136.
  3. Théorie physiologique de la musique, page 96.
  4. Même ouvrage, page 97.
  5. Même ouvrage, pages 146, 147.
  6. Même ouvrage, page 142.
  7. Même ouvrage, page 139 « Pour les voyelles de la série inférieure O et OU, la bouche est rétrécie en avant par le moyen des lèvres (c’est dans l’OU que le rétrécissement est le plus grand), » — Chantez un air, par exemple celui des bassons du IIIe acte de Robert le Diable, et chantez-le en rétrécissant la bouche le plus possible sur la syllabe OU, c’est au basson que votre voix ressemblera le plus. Votre voix se sera comportée en instrument, et à la façon de l’instrument dont il s’agissait de reproduire le son et le chant.