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invariablement à ce résultat que la musique vocale n’est autre chose que la voix parlée du sentiment encore agrandie et soumise à un ordre supérieur. Il faut donc poser cette conclusion que la musique, du moins la musique vocale, n’est que la voix humaine, — c’est-à-dire ce qui reste de la parole quand on retranche les mots, — avec agrandissement et coordination plus parfaite de tous ses éléments musicaux.

Rien ne me serait plus facile que d’ajouter aux passages déjà cités d’autres extraits du livre de M. Ch. Beauquier, qui confirment cette conclusion. Ainsi j’avais raison de dire qu’entre nous sur ce point l’accord pourrait se faire.

Pourtant je pense qu’il persisterait à soutenir son opinion quant à la musique instrumentale, Dès qu’on arrive sur ce terrain, les divergences s’accusent, les dissentiments s’exagèrent jusqu’à la contradiction. La musique instrumentale est considérée aujourd’hui par certains esprits comme un art sui generis, d’une indépendance absolue, n’ayant avec la musique vocale et avec la voix humaine parlée aucune racine commune. Cette opinion est défendue avec ardeur, quelquefois avec talent. Il ne fait même pas toujours bon la combattre : on court le risque, en la réfutant, d’être relégué parmi ces gens d’un autre âge qui, insinue-t-on, ne laissent pas que de radoter. Ce qui contribue beaucoup à prolonger le débat, c’est qu’il ne se concentre pas. Ou bien l’on parle trop souvent sans écouter les autres et sans leur répondre ; ou bien non moins souvent, quand on leur répond, c’est par quelques paroles tranchantes, sans essayer de se placer à leur point de vue, sans entrer en explication. M. Ch. Beauquier comprend autrement la discussion et l’analyse. C’est en philosophe encore qu’il cherche la solution de cette partie du problème ; c’est aussi en philosophe que nous examinerons ce qu’il en a dit et ce qu’en disent ceux qui procèdent en observateurs sérieux.

C. Lévèque,
de l’Institut.