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Au lieu du hautbois à voix aérienne, en voulez-vous un à voix souterraine ? Ce sera le basson, « qui n’est autre chose qu’un grand hautbois replié en deux » avec un timbre à La fois grossi et assourdi. M. Léon Pillaut trace de ce personnage musical un croquis psychologique d’une parfaite ressemblance : « Le basson se prête à rendre des idées musicales d’un caractère très varié. Le médium et l’octave suivante sont favorables aux chants tendres, affectueux plutôt que passionnés. Les notes basses sont puissantes et lourdes. On connaît l’effet fantastique que Meyerbeer a tiré des bassons dans l’introduction du ballet des nonnes de Robert le Diable… La voix du basson devient facilement comique, et, en exagérant un peu sa gravité, il prend volontiers l’accent père noble, comme on dit au théâtre[1]. » Rien de plus finement exact. Mais le dessinateur s’arrête ici au visage, sans aller au delà, sans chercher la cause qui donne au personnage ces expressions diverses. Soyons hardi, peut-être téméraire, et enfonçons davantage.

Le basson, dit M. L. Pillaut, est un chanteur tendre et affectueux plutôt que passionné, dans les notes du médium et de l’octave. Abuserai-je de la psychologie si je fais observer que l’homme, quand il exprime des sentiments affectueux et tendres plutôt que passionnés, prend, qu’il y pense où non, une voix non pas éclatante, ni très haute ni très basse, mais moyenne, douce, un peu voilée ? Au contraire, les notes basses de l’instrument en question sont « puissantes et lourdes » ; elles produisent, au gré d’un maître tel que Meyerbeer, un effet fantastique. Je cherche pourquoi. La raison n’en serait-elle pas celle-ci ? Écoutez les personnes qui, le soir à la veillée, racontent des histoires de revenants à donner le frisson. Tant que dure le simple récit de l’apparition, la voix garde à peu près la tonalité ordinaire, quoiqu’en s’abaissant un peu à mesure qu’approche le moment terrible. Mais, dès que le fantôme entre en scène et qu’il faut le taire parler, la voix du narrateur devient profonde, caverneuse, forte cependant, quoique pesante, pareille enfin, autant qu’elle le peut, à la voix de ces bassons au timbre infernal qui appartiennent au cortège de Bertram. Mais il y a plus : le premier enfant venu qui veut en épouvanter un autre se cache derrière une porte

    réduites de 56 instruments à 40, les hautbois furent maintenus. L’organisation de 1860 est réglementaire encore aujourd’hui ; chaque musique d’infanterie doit avoir deux hautbois comme elle a deux flûtes. » (Le Temps, feuilleton musical du 18 septembre 1881). — Tel est le règlement. En réalité, dans la pratique, les deux hautbois sont le plus souvent remplacés par deux saxophones soprano, à cause de la rareté des musiciens dont les lèvres conviennent à l’embouchure du hautbois.

  1. Léon Pillaut, ouvrage cité, page 56.