Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée


L’ESTHÉTIQUE MUSICALE EN FRANCE[1]


DEUXIÈME ARTICLE

PSYCHOLOGIE DES INSTRUMENTS

Quelle est la musique véritable, la musique par essence, celle que l’on devrait nommer en langage platonicien la musique en elle-même et par elle-même ? À cette question difficile, il a été fait, en ces derniers temps, deux réponses absolument, contraires ou, pour mieux dire, contradictoires.

Les uns, en effet, ne reconnaissent comme musique essentielle que la musique instrumentale. De ceux-ci est M. Hanslick, qui s’exprime à cet égard avec netteté. D’après lui, l’esthétique, appliquée à l’art des sons, ne peut aboutir à un résultat quelconque si elle n’élimine au préalable la musique vocale et avec elle l’élément subjectif. Il reste alors devant elle l’élément objectif, le seul pur, le seul vrai, lequel réside uniquement dans la musique instrumentale. « Si l’on cherche, dit l’auteur allemand, à pénétrer d’une façon quelque peu large, en même temps que précise, dans l’essence de la musique, si l’on essaye de déterminer ses limites, sa direction, il ne peut être question que de musique instrumentale. Ce qui lui est impossible ne sera jamais possible à la musique en général, car c’est elle seule qui est la musique pure et absolue[2]. » M. Ch. Beauquier, dans des termes quelquefois semblables, énonce la même opinion. « Il était réservé seulement à notre temps dit-il, de dégager l’art musical de ses langes, de ses lisières, et de le poser dans sa forme pure et essentielle, dans la musique instrumentale. » « De son rôle subalterne, la musique instrumentale passa insensiblement à un rôle plus important. L’accompagnement devint de plus en plus riche, de plus).

  1. Voir le No de janvier de la Revue.
  2. Du beau dans la musique, traduction française, par M. Ch. Bannelier, page 32. Paris, Brandus et Cie. 1877.