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VERNES. — de l’idée religieuse

véhémentes sollicitations du philosophe, — j’ai presque dit du théologien, — résolu à leur demander plus qu’elles ne peuvent donner raisonnablement, je voudrais bien savoir, écartant un moment cette première impossibilité, comment l’insuccès de l’hellénisme, du romisme et du germanisme à satisfaire la conscience religieuse, a pu porter les religions de l’Inde à chercher la solution de l’énigme divine dans la voie du monisme abstrait ; aucun document historique, n’est-ce pas ? n’atteste de pareilles influences. Alors où est la marche progressive de l’humanité, proclamée si résolument ? Le monisme égyptien et le seminaturalisme du parsisme ont-ils, à leur tour, par le spectacle de leurs tentatives inutiles, poussé la petite peuplade israélite à chercher successivement dans le monothéisme primitif, dans l’hétéronomie et puis dans l’hétérosotérie chrétienne, le mot de l’énigme qui leur avait échappé ? Non, certainement.

M. de Hartmann se dérobera-t-il à la constatation de l’incompatibilité de ses prémisses avec sa conclusion, en faisant remarquer que les chapitres sur l’hellénisme, le romisme et le germanisme se terminent tous trois par des paragraphes qui font voir dans ces religions une préparation au christianisme, qu’il en dit autant de la religion populaire de l’Égypte de la basse époque et de la philosophie religieuse alexandrine ? Nous lui en donnons acte volontiers : mais nous ne voyons pas comment ces réflexions, d’ailleurs fort justes, pourraient venir à l’encontre du résultat qui vient d’être énoncé.

Cela même m’amène à me demander comment M. de Hartmann, hanté de l’idée de démontrer sur pièces le progrès de l’évolution religieuse de l’humanité, n’a pas préféré aux cadres absolument artificiels que nous venons de démonter, une autre disposition plus en rapport avec les récents progrès de l’histoire. Il aurait pris, par exemple, d’une part, la religion indo-européenne ou aryenne dans son premier état, et l’aurait suivie dans l’Inde et la Perse au travers de la richesse de ses développements restés à l’abri de l’influence étrangère, dans la Grèce, l’Italie et la Germanie, jusqu’au point où les religions de ces trois groupes s’absorbent dans le christianisme. Reconstituant, d’autre part, autant que faire se peut, la religion égypto-sémitique primitive, il l’aurait suivie en Égypte, en Assyrie, en Phénicie, dans Israël, où il nous aurait montré son évolution progressive se manifestant de différentes façons, particulièrement par là naissance du christianisme. Il aurait montré enfin cette dernière religion recevant comme un vaste estuaire les flots tumultueux des religions antérieures et proposant sa solution aux populations venues à lui.

L’avantage d’une pareille disposition des matières saute aux yeux.