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abstrait et le théisme, à la fois réconciliés et vaincus, trouvent dans le monisme concret la phase dernière et définitive du développement de la conscience religieuse.

La conclusion ainsi obtenue n’a rien du domaine de l’imagination. « Ce n’est que la stricte résultante d’une critique positive et immanente des principales religions. »

Le scepticisme seul pourrait essayer de se dérober à une constatation qui peut invoquer en sa faveur la rigueur des méthodes contemporaines. « On n’a que le choix, déclare M. de Hartmann, soit d’admettre que la religion est éternellement destinée à persister dans la multiplicité des formes, soit d’admettre que tôt ou tard elle atteindra à sa forme la plus haute et la plus parfaite, et cela dans l’enceinte des peuples civilisés. Si l’on opte pour la première alternative, c’est qu’on déclare que la religion est une illusion, peut-être psychologiquement nécessaire et utile aux progrès de la civilisation ; si l’on ne veut pas de cette solution, on doit tenir ferme à l’espérance de voir la religion absolument vraie sortir par évolution des religions relativement vraies. »

C’est ici que ce plaçaient les déclarations brèves et résolues que nous avons signalées dès notre entrée en matière et qui affirmaient avec toute l’énergie possible le succès final de l’évolution providentielle de l’idée religieuse.


IV

Distinguons, dans la thèse de M. de Hartmann, les parties où l’opinion du public pensant est le plus disposée à se rapprocher de lui, de celles pour lesquelles l’assentiment sera davantage disputé.

Quiconque s’est quelque peu occupé d’histoire et de philosophie religieuses admettra sans peine que plusieurs des principales religions anciennes ne sont point parvenues à dégager nettement l’idée divine du naturalisme qui leur avait donné naissance et trahissent ainsi des attaches trop grossières pour notre sens raffiné ; qu’à côté de celles-là, d’autres sont arrivées à une notion plus élevée, au supranaturalisme, conçu soit à la façon de l’Inde, comme monisme abstrait, soit à la façon du judaïsme-christianisme, comme théisme. On ne contestera pas beaucoup plus que l’idée, soit d’une loi donnée par la divinité extérieure au monde et s’imposant à l’homme, soit d’un salut réalisé en dehors de l’humanité par une disposition spéciale de la