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VERNES. — de l’idée religieuse

d’un écrit de circonstance se présente ici avec l’appareil de l’érudition historique. En dehors de tout jugement particulier, des préférences et des antipathies qui sont propres à chacun, on ne manquera pas de rendre hommage à la sincérité et au sérieux d’une pensée qui n’a pas reculé devant une enquête historique aussi considérable, aussi ardue, aussi lourde, pour vérifier ses bases et présenter ses preuves au jugement public.

On devine la tentation qu’éprouve une personne dont les études ont tout particulièrement porté sur le judaïsme et le christianisme de prendre en main les chapitres très étudiés que M. de Hartmann consacre à ces deux religions et d’en discuter tel ou tel point. Mais ce serait perdre de vue l’objet précis que nous devons nous proposer ici. En acceptant la tâche assez lourde de présenter aux lecteurs de la Revue philosophique la nouvelle œuvre de l’auteur de la Philosophie de l’Inconscient, nous avons dû nous imposer l’obligation de sacrifier toutes les considérations secondaires à cet unique objet : traduire sous la forme la plus claire et la plus fidèle possible une pensée empruntée à un ordre de réflexions extrêmement éloigné de celui que nous, Français, côtoyons d’ordinaire.

Il est toutefois conforme à notre but de faire ressortir les traits des religions juive et chrétienne auxquels M. de Hartmann attache lui-même une importance particulière,

Avec tous les récents historiens du peuple israélite, il fait plonger le monothéisme hébreu dans un état religieux primitif qui le range, au moins à ses débuts, dans la catégorie des cultes naturalistes. Pour lui, Yahvéh (ou Yaho, selon la forme qu’il préfère) est le Dieu national des Israélites, se dégageant d’un polythéisme primitif, mais gardant encore les traits d’un dieu du ciel, du soleil et de l’orage. Le contrat conclu entre Yahvéh et son peuple marque la conclusion de ce premier degré dans lequel le peuple israélite n’atteint point encore au monothéisme.

Ce progrès, le passage du naturalisme au supranaturalisme, est l’œuvre des prophètes. Le caractère de la divinité nationale se dégage des éléments naturels qui lui restaient encore attachés. On saisit une tendance à l’universalisme, à l’internationalisme ; mais cette aspiration se heurte à l’idée du contrat spécial conclu entre Yahvéh et le peuple israélite et ne réussit pas à prendre son essor. Dans le royaume de Dieu rêvé par les prophètes, Jérusalem devient la capitale du monde et les autres peuples doivent se soumettre à la suprématie des Israélites pour avoir leur part des promesses de l’avenir. Ce n’est là encore qu’un monothéisme national, « primitif. »

Sans doute, « un tel monothéisme cherche à rejeter de plus en plus