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VERNES. — de l’idée religieuse

les religions qu’il se proposait de faire rentrer dans le cadre de ses recherches. Le savant professeur d’Oxford y avait été amené au cours d’une étude spéciale et locale, à savoir de la recherche de l’origine et du développement de la religion dans les Indes. Dans quelle mesure est-il permis de généraliser ce résultat et de l’appliquer en même temps à la Grèce, à Rome, à la Germanie, à l’Égypte, à la Perse ancienne ? Les spécialistes répondront, chacun pour ce qui le concerne[1].

Quant à nous, nous ne chicanerons point M. de Hartmann pour son adhésion à la proposition de M. Max Müller et l’extension un peu inquiétante qu’il lui donne, et cela pour deux raisons. La première, s’est que nous ne tenons pas très fort pour la progression comtiste : fétichisme, polythéisme, monothéisme ; la seconde, c’est que le fond du débat peut être abordé en dehors de la « morphologie » religieuse particulière aux différents auteurs. Que l’on appelle polythéisme à tendance unitaire, ou hénothéisme, le phénomène que nous présentent plusieurs des principales religions de l’antiquité, les différences de vocabulaire ne sauraient modifier la solution à intervenir dans la question du progrès religieux au sein de l’humanité.

Nous avons déjà fait entendre que M. de Hartmann, malgré les apparences de son entrée en matière, ne proposait point cette thèse uniquement à la façon banale de ceux qui affirment un développement général de l’humanité à partir de ses origines infimes, développement sensible dans les différentes branches de son activité physique et morale. Il s’agit donc encore une fois de savoir dans quelles limites la démonstration du progrès religieux doit être fournie.

Ces limites, c’est évidemment à l’état présent des sciences historiques qu’il convient de les demander. Pour établir avec quelque fruit une comparaison entre la valeur des différents produits de l’activité humaine, des religions tout d’abord, il faut posséder une notion tant soit peu exacte du dogme et de la pratique religieuse aux différentes époques. C’est bien aussi dans les bornes des régions aujourd’hui explorées avec quelque soin que l’éminent écrivain veut nous maintenir..

Rappelons en deux mots la situation des études d’histoire religieuse, qui sont une des plus belles et plus pures conquêtes de ce siècle. Avant le temps présent, l’histoire politique, l’histoire littéraire existaient, mais l’histoire religieuse n’était point soupçonnée. Dominés par les stériles conventions de la théologie, nos devanciers ne

  1. Les indianistes sont même fort loin d’avoir donné généralement raison à M. Max Müller sur le terrain spécial où il a proposé sa these.