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empruntera ses plus précieuses leçons. L’Inde donnera le panthéisme ou notion de l’immanence divine, et la tradition juive-chrétienne le monothéisme, c’est-à-dire la notion de l’unité divine. La philosophie allemande préparera la religion de l’avenir par la construction d’une métaphysique où les idées religieuses de l’Inde s’uniront aux éléments encore vivants du christianisme. Ce « monisme spiritualiste » substituera à la foi artificielle du théisme une réalité vivante, à sa morale empirique et hétéronome une morale immédiatement appuyée sur l’idée mère du système. Quant au culte, — la trilogie dogme, morale et culte épuisant l’idée religieuse, — on ne saurait d’avance affirmer qu’une chose, à savoir qu’il aura un caractère plus intime que le culte présent.

Ici encore, il faut citer dans ses propres termes la conclusion du philosophe : « Dans l’état actuel de la science, le plus vraisemblable est que la religion de l’avenir, si l’on considère une telle religion comme possible, doit être un panthéisme ou mieux un monisme panthéiste (à l’exclusion de tout élément polythéiste), ou encore un monothéisme immanent, impersonnel, dans lequel le monde, en tant qu’apparition objective, est non extérieur, mais intérieur à la divinité. C’est ce que ne donnent ni le christianisme positif avec son polythéisme trinitaire, ni le protestantisme libéral avec son théisme abstrait et personnel. — Au point de vue de l’histoire religieuse, le but que nous nous proposons, disait enfin M. de Hartmann, ne peut être atteint que par la synthèse du développement religieux hindou et juif-chrétien en une création qui réunisse les avantages de ces deux directions de l’esprit humain, tout en comblant leurs lacunes, et, par là, devienne capable de les remplacer toutes deux et de devenir, au mot propre, une religion universelle. Un pareil panmonothéisme, dont les bases métaphysiques, en parfait accord avec la raison, se prêteraient d’autre part à l’action la plus vive sur le sentiment religieux et donneraient à l’éthique un solide point de départ, se rapprocherait, plus que tout autre système, de ce que le peuple cherche dans la religion sous le nom de vérité. »

Avec cette connaissance préliminaire des vues religieuses de l’éminent écrivain, on peut aborder plus sûrement l’étude d’une production à laquelle il est visible qu’il attache la plus grande importance.

II

Quand on assure, comme le fait déjà M. de Hartmann par le seul titre de son ouvrage, que le spectacle de l’évolution religieuse dans