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ANALYSES. — LAGRANGE. Histoire des sciences en Belgique.

ture de la chaleur et de l’électricité condamnait forcément son œuvre à un prompt oubli. Mais les résultats auxquels il est arrivé pour l’explication à priori de faits relatifs au magnétisme du globe, mériteraient de ne pas être perdus de vue et pourraient peut-être être utilisés, sauf à introduire dans ses hypothèses les modifications convenables. M. Lagrange signale en outre de hardies inductions sur la liaison de périodes magnétiques avec le retour des épidémies[1] et avec les révolutions historiques[2]. Il y a notamment une période de 516 ans environ qui lui semble jouer un rôle capital dans la vie des peuples.

On sait que Quételet a admis, pour cette vie, une période double ; il est d’ailleurs certain que les rapprochements de dates historiques faits ou cités par M. Lagrange, quand même on ne verrait dans quelques-uns que des jeux de chiffres, seraient parfaitement suffisants pour établir une loi, s’il s’agissait de phénomènes reconnus comme tombant sous l’empire de la nécessité. Mais, quand il s’agit d’étendre les limites de cet empire, on ne saurait s’imposer à soi-même, ni réclamer des autres des démonstrations trop complètes. Les succès obtenus par Quételet dans cette voie nouvelle, loin d’être un encouragement, me semblent d’ailleurs provoquer une critique philosophique sérieuse, et qui n’a guère été essayée, de la théorie mathématique des probabilités.

En résumé, la valeur des travaux analysés par M. Lagrange témoigne de l’activité intellectuelle de nos voisins, et, si ce semble chez eux[3] un mot d’ordre d’être spiritualiste, cette profession de foi n’enlève rien à la largeur des vues, à la hardiesse et à l’originalité de la spéculation scientifique. Nous n’en pourrions peut-être pas dire autant, pour nous mêmes, des cinquante ans qui viennent de s’écouler.

Paul Tannery.

  1. Brück avait prédit, dès 1859, la date du choléra de 1865-1866.
  2. Brück, L’humanité, son développement et sa durée.
  3. Même et surtout, paraît-il, pour M. Girard, ce dont on aurait pu ne pas se douter.