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Les trois auteurs auxquels il a été fait appel pour retracer dans cette intéressante publication les progrès scientifiques, ont respectivement traité les sciences physiques, les sciences mathématiques et les sciences naturelles. La première partie, due à M. Ch. Lagrange, astronome adjoint à l’Observatoire de Bruxelles, contient un chapitre dont le titre : Philosophie de la science, nous convie à en entretenir nos lecteurs.

Ce chapitre est une critique, écrite dans un sens spiritualiste mitigé, des travaux suivants : l’Étude de la nature, de M. Houzeau ; l’Essai sur les principes fondamentaux de la géométrie, de M. de Tilly ; la Philosophie scientifique de M. Girard, et des ouvrages à portée philosophique de Brück et de Quételet.

M. Houzeau, directeur de l’Observatoire de Bruxelles, est à la fois un savant éminent et un écrivain distingué ; son livre mériterait d’être aussi connu en France qu’il l’est en Belgique, et je n’attacherais pas pour ma part une grande importance aux défauts qu’y veut voir M. Lagrange de ne montrer dans la nature que le contingent et le relatif, non le nécessaire et l’absolu ; de n’accorder au réel dans la recherche de la vérité que des limites trop étroites.

Le major de Tilly est un des champions les plus sérieux de la géométrie non-euclidienne, dont notre critique combat les principes. Tout en reconnaissant la valeur de ses observations fondées sur ce fait que l’expérience éveille dans notre esprit, au sujet de la distance et de l’espace, les trois notions générales de continuité, d’uniformité et d’infinité, et que M. de Tilly ne tient compte que des deux premières, je ne crois pas devoir concéder que « l’introduction du troisième caractère expérimental, de l’indéfini dans l’espace et le temps, » fasse disparaître les systèmes de Lobatchefsky et de Riemann, Cela n’est exact que pour la géométrie elliptique de ce dernier, où la distance ne peut croître au delà d’une certaine limite.

L’ouvrage de M. Girard a été analysé ici même[1], et M. Lagrange invoque d’ailleurs cette analyse à l’appui de ses appréciations. Quant à la Physique sociale de Quételet[2], elle est suffisamment connue en France. L’auteur de l’Électricité ou magnétisme du globe, le major Brück, l’est beaucoup moins.

On lui doit un système cosmologique au moins curieux où il a tenté d’expliquer tous les phénomènes de la nature par deux substances, occupant ensemble la totalité de l’espace : « l’une douée d’une force attractive occupant les volumes atomiques : c’est la matière ; l’autre répulsive, réagissant à la surface des atomes pour empêcher leur réunion : c’est ce qu’on nomme improprement le vide ». :

L’attachement de Brück aux idées de l’ancienne physique sur la na-

  1. Revue philosophique, t. IX, p. 338.
  2. On peut notamment consulter l’étude anonyme qui à paru dans la Revue scientifique du 23 mai 1874.