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J. Dupuis. — Le nombre géométrique de Platon, interprétation nouvelle. Paris, Hachette, 1881. Brochure in-8, 64 pages.

En publiant ici même, il y a cinq ans[1], un essai sur le célèbre locus mathematicus du livre VIII de la République, je faisais, au sujet du texte, cette réserve que le manque d’interprétations littérales avait privé la critique philologique d’un des éléments de discussion les plus sérieux. De fait, avant celle que je proposais, il n’en existait réellement qu’une, celle de Vincent et de M. Th.-H. Martin[2], et, de même que la mienne, cette interprétation suppose de légers changements au texte qui paraît le plus recommandable, celui de Bekker.

Dans un récent article sur l’Éducation platonicienne[3], je répétais cette réserve et me déclarais en même temps prêt à me rallier à toute tentative d’explication sérieuse qui permettrait de voir dans le passage en question une première allusion à la grande année de Philolaos, de cinquante-neuf ans ou sept cent vingt-neuf mois ; on sait qu’il y en a plus loin (Civitas, IX, 588, a) une autre bien connue.

J’avoue que j’étais assez loin de m’attendre à ce que, avant même la publication des quelques lignes que je viens de rappeler, l’apparition d’un nouveau travail me mettrait en demeure de me prononcer dans le sens que j’indiquais, et que, d’autre part, l’interprétation proposée suivrait facilement et à la lettre le texte de Bekker, ce qui constitue évidemment en sa faveur un sérieux préjugé.

L’explication de M. Dupuis n’a guère au reste qu’un point spécial commun, avec celle que j’ai soutenue autrefois ; de même que je l’ai fait, il voit dans les quatre derniers mots de la phrase obscure, ἑκατὸν δὲ κύβων τριάδος, l’énoncé du nombre désigné ; mais, au lieu de comprendre τρίας dans le sens simple du nombre trois, il y reconnaît le groupe ternaire des nombres 3, 4, 5, indiqué plus haut par les mots : ἐπίτριτος πυθμὴν πεμπάδι συζυγεὶς, indication sur laquelle il ne peut guère y avoir de doute sérieux.

Ainsi, pour M. Dupuis, le nombre nuptial est

D’ailleurs les Grecs énonçaient ce nombre en le décomposant en 2 myriades et 1,600 unités. Ce seraient là les deux ἁρμονίαι de Platon, l’une τὴν μὲν ἴσην ἰσάκις ἑκατὸν τοσαυτάκις, c’est-à-dire : , l’autre τὴν δὲ ἰσομήκη μὲν, τῇ προμήκει δὲ (sous-entendu πλευρᾷ), ἑκατὸν μὲν ἀριθμῶν ἀπὸ διαμέτρων… πευμπάδος… ἀῤῥήτων δὲ δυεῖν, c’est-à-dire : L’apposition à διαμέτρων πεμπάδος, savoir ῥητῶν, δεομένων ἑνὸς ἑκάστων, désignerait cette remarque que, tandis que est irrationnel, est rationnel.

  1. Revue philosophique, I, p. 170 ; Le nombre nuptial dans Platon.
  2. Journal l’Institut, septembre 1839, Revue archéologique, 1857.
  3. Revue philosophique, août 1881, p. 161, note 2.