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Summer Maine (sir Henry). Études sur l’histoire des institutions primitives, ouvrage traduit de l’anglais par M. J. Durieu de Leyritz, et précédé d’une introduction par M. d’Arbois de Jubainvile. — Paris, Thorin, 1880, 1 vol. in 8o, xlii-494 p. 

Exposer ici tout le contenu de cet ouvrage, serait sortir du cadre de cette revue : des chapitres sur « les formes primitives de la procédure », sur « l’histoire primitive des biens de la femme mariée », et autres pareils, n’ont d’intérêt philosophique que dans la mesure où toute recherche historique en a. À moins de faire entrer dans la philosophie, sous le nom général de sociologie, toute étude quelconque ayant pour objet l’homme, il faut bien laisser à l’histoire proprement dite et au droit l’étude des antiquités juridiques et les questions relatives aux premières associations humaines. D’autre part, un ouvrage de sir Henry Summer Maine n’est jamais sans portée philosophique ; et après le succès de l’Ancien droit, « ce livre profond, dit Stuart Mill, écrit dans un style de cristal[1], » toute nouvelle production de celui que l’Europe entière a salué comme un maître dans la science des origines doit être signalée au public pensant.

Le présent ouvrage a paru en Angleterre l’année même où paraissait à Paris la traduction de l’Ancien droit, 1874 : c’est une série de leçons professées à Oxford, où l’auteur occupait alors une chaire de droit[2]. La traduction s’en est fait attendre : il faut remercier d’autant plus M. Durieu de Leyritz, qui nous la donne, car il nous apprend dans sa préface qu’un autre livre de sir Henry Summer Maine, Communautés de village en Orient et en Occident, est demeuré non traduit, et l’Histoire des institutions primitives risquait sans lui d’avoir le même sort. Or ces ouvrages sont classiques dans les universités anglaises au même titre que l’Ancien droit, dont ils sont la suite et le complément. La compétence de l’auteur est en effet exceptionnelle, et pour ainsi dire unique, dans l’ordre d’études dont il a fait sa province. D’abord professeur de droit civil à Cambridge et un des écrivains qui firent le renom de la Saturday Review, il quitta l’Angleterre en 1862 pour entrer comme jurisconsulte au Conseil central législatif de l’Inde et devenir vice-chancelier de l’Université de Calcutta. Durant sept ans, il prit part aux grandes réformes de la législation anglo-hindoue et aida à l’élaboration de « deux cent trente-cinq lois ou actes législatifs ». On conçoit quelle connaissance il put acquérir là des institutions tant anciennes que modernes de l’Inde, Il est clair que nulle autre ne pouvait valoir celle-là pour l’étude du droit comparé dans les communautés aryennes.

  1. L’ancien droit considéré dans ses rapports avec l’histoire de la société primitive et avec les idées modernes, traduit par J.-G. Courcelle-Seneuil. Paris, Guillaumin, 1874.
  2. Le titre anglais est Lectures on the early history of institutions.