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Mêmes observations sur le travail intellectuel. Ce travail consistait en des calculs que M. Mosso donnait à faire de tête à ses sujets ; ceux-ci annonçaient à haute voix le résultat. Je ne crois pas : ce mode de procéder exempt de toute erreur, à cause de l’excitation auditive qui doit se produire chez la personne en expérience quand on lui propose le calcul, et à cause de l’effort vocal que cette même personne doit faire pour indiquer le résultat de l’opération. Il y a là, des facteurs nouveaux qui peuvent entrer en fonction avec le travail de la pensée proprement dite, et M. Mosso aurait pu, ce semble, éviter ce faible risque. — Ainsi, par l’effet de l’activité intellectuelle, comme par l’effet des émotions, d’une part, il se produit une légère augmentation de la fréquence et de l’énergie des contractions du cœur, et, d’autre part, le cerveau augmente de volume (pp. 19, 30 et suiv.). Il faut noter ici deux phénomènes intéressants : 1o La modification du pouls est plus marquée au commencement et à la fin du travail ; Mosso remarque avec raison que l’activité du cerveau doit être plus grande au moment où le travail est apporté à cet organe. 2o Plus le travail est difficile, plus la modification du pouls est considérable ; on voit toute l’importance de ce fait qui peut constituer une loi et une mesure de la pensée en exercice. En même temps que le cerveau augmente de volume, les vaisseaux de l’avant-bras se contractent fortement, comme l’indique la diminution de volume de ce membre. Le professeur Mosso a soin de démontrer, et la démonstration est aussi rigoureuse que complète, que tous ces changements ne dépendent pas de variations respiratoires : il y avait là une grosse question physiologique que le savant italien a su très nettement trancher.

Tous ces faits ont été fort exactement observés. Mais il est difficile d’accepter l’interprétation qu’en donne le professeur Mosso. D’après lui, la cause de l’afflux du sang au cerveau est la contraction des vaisseaux de l’avant-bras qui se produit aussi dans les vaisseaux des autres membres et de la peau du tronc, de telle sorte que la pression sanguine augmente dans les grosses artères et les dilate. C’est là une théorie toute mécanique, peu admissible quand on sait qu’une glande, par exemple, entrant en activité, se congestionne activement, par suite d’une dilatation initiale de ses propres vaisseaux. Les caractères mêmes du pouls cérébral observés par le Dr Mosso démontrent qu’il en est ainsi pour la masse encéphalique. Il convient donc mieux de penser que, au moment du travail intellectuel ou d’une émotion, les capillaires cérébraux, par ce mode général d’action du système nerveux qui est l’action réflexe, se dilatent immédiatement : rien d’étonnant à ce que les rameaux d’origine des nerfs vaso-moteurs soient excités par une cause interne et subjective, toute morale ; c’est un phénomène très fréquent. — Quant à la diminution de volume de l’avant-bras concomitante, on sait depuis longtemps que, quand il arrive plus de sang dans une partie du corps, il y en a moins dans telle autre partie : simple fait de corrélation et non, comme dit Mosso, d’antagonisme. Aussi l’afflux sanguin au cerveau est-il une condition primitive, quoi qu’ait écrit l’auteur et