Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée


ANALYSES ET COMPTES RENDUS


De Broglie (l’abbé). Le positivisme et la science expérimentale. Paris, chez Victor Palmé. 2 vol. in-8o.

Dans un temps où le positivisme se fait officiel, où la libre pensée devient obligatoire, où l’on fait litière des préjugés et où, pour manifester l’absolue inanité d’une doctrine, il suffit aux meilleurs esprits d’insinuer qu’elle serait à la rigueur compatible avec la religion, dans un temps enfin où l’on ne parle plus à messieurs les prêtres, tout en s’occupant beaucoup de ce qui les concerne, il y a chez M. l’abbé de Broglie un courage digne vraiment de sa maison guerrière à défier l’opinion par douze cent soixante pages de mille neuf cents lettres chacune sur le positivisme et la science expérimentale. J’ai lu deux lois ces deux beaux volumes ; j’en ai même extrait la plus grande partie ; j’ai obtenu le congé flatteur d’en dire ici mon sentiment, et je ne sais absolument pas comment m’y prendre. Si du moins j’avais aussi quelque autorité, si je représentais une tradition, une Église, une école, un groupe, si nous étions seulement deux ; mais je suis seul, et le silence de ces espaces infinis m’effraye ». Dirai-je de ce livre le bien que j’en pense ? on me prendra pour un homme noir et pour un compère ; l’attaquerai-je ? ce sera jalousie de métier, hostilité confessionnelle, que sais-je encore ? Je n’ai ni le temps ni l’espace dont il faudrait disposer pour prouver mes dires, à supposer qu’on prouve jamais quelque chose en de tels sujets. Quand M. de Broglie confond Stuart Mill ou M. Taine, il s’appuie sur une doctrine amplement exposée et justifiée, sur le sens commun, tel qu’il préside à l’élaboration des sciences particulières ; tandis que mon jugement sur les opinions de M. de Broglie tient à leur rapport avec des convictions qu’on ne connaît pas, et qu’il faudrait tout d’abord peut-être m’expliquer à moi-même. S’il était besoin, pour atteindre le but de cette annonce, d’amener un seul lecteur à mon avis, je renoncerais à l’entreprise. Mais mon ambition ne va pas si haut elle sera pleinement satisfaite si j’attire l’attention de quelques laïques sur cette philosophie cléricale et si je les induis à s’en enquérir, à l’étudier peut-être, sans trop d’égards à l’habit qu’elle porte.

Et d’abord nous saluerons dans M. Paul de Broglie un écrivain. Limpide, abondant, précis, il est fort agréable dans les rencontres, et