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NOLEN. — le monisme en allemagne

La philosophie pratique de ce monisme ne réussit pas mieux que sa doctrine sur la nature et sur l’homme à s’affranchir des hypothèses téléologiques. Toute sa conception de la destinée humaine et du devoir repose, en dernière analyse, sur son optimisme, sur l’énergie de sa croyance au prix de la vie et de la conscience. Il prétend bien sans doute démontrer scientifiquement, au nom de l’expérience et des inductions légitimes de la science, la valeur de cette conviction. Mais il ne peut nous faire oublier que le pessimisme de Hartmann invoque également le témoignage des faits. Il ne réussit pas plus que son adversaire à donner l’autorité d’un principe métaphysique à une induction purement empirique. Et pourtant c’est sur cette base chancelante qu’il édifie le dogmatisme moral, qu’il oppose résolument au pessimisme pratique de Hartmann.

Le devoir consiste à poursuivre la plus complète satisfaction possible de mes facultés, en faisant concourir à ce but, par un harmonieux emploi et une sage subordination de leurs énergies contraires, les penchants égoïstes et les penchants altruistes de mon être. Mais cet art difficile de la moralité, dont Dühring analyse ingénieusement les difficultés et les moyens, nous avons besoin d’être convaincus qu’il sert efficacement au bonheur avant de nous en imposer le laborieux exercice. Cette certitude scientifique, nous ne la trouvons pas plus dans la démonstration de Dühring que dans la théorie contraire de Hartmann, et l’on ne peut nous demander de la remplacer par un acte de foi métaphysique, sans déclarer que la pure expérience ne suffit pas à la philosophie de la réalité.

Nolen.