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NOLEN. — le monisme en allemagne

tuel emprunt aux doctrines des philosophies passées ou récentes, et qu’elle les compromet au lieu de les servir par un commentaire trop complaisant des hypothèses de la science contemporaine, en même temps que par des emprunts indiscrets aux théories les plus contradictoires des philosophies passées. Comme celui de Hæckel, bien qu’à un moindre degré sans doute, le monisme de Noiré les choquait par son mélange d’incrédulité métaphysique et d’intempérance scientifique, qui trahissait l’insuffisance de sa théorie de la connaissance. Et le dogmatisme naïf qui éclatait à chaque ligne de l’espèce de catéchisme où il résumait en trente propositions, comme en autant d’axiomes indiscutables, l’évangile philosophique de l’avenir, n’était pas fait pour avancer la conciliation de l’esprit critique et de l’esprit métaphysique, qui n’est pas moins dans les besoins du temps que celle de la science et de la métaphysique[1].

V. Dühring.

Le monisme de Hartmann devait susciter tout d’abord les critiques de Dühring. Il est regrettable sans doute que, chez une nature passionnée comme celle de Dühring, l’opposition à la doctrine dégénère souvent en personnalités injurieuses ; mais la violence même de la polémique permet de mesurer ici la profondeur du dissentiment. Dühring condamne sans réserve et la téléologie et le pessimisme de Hartmann. La première tend à fausser ou à rendre inutile l’instrument le plus efficace de la recherche scientifique, à savoir le mécanisme ; la seconde paralyse les ressorts de la volonté humaine et la décourage de l’action en lui interdisant le bonheur. Aux interventions miraculeuses de l’Inconscient, à la philosophie de la désespérance, Dühring substitue l’action exclusive des forces naturelles et la foi absolue dans le prix de la vie.

Son Cursus der Philosophie, qui contient l’exposé systématique des doctrines dispersées dans ses divers ouvrages, se présente à nous comme l’exposé rigoureusement scientifique des principes qui doivent servir à l’explication du monde et à la direction de la volonté. La préoccupation, à la fois scientifique et pratique, qui se trahit dans ce seul titre, s’était accusée depuis longtemps dans les travaux et les écrits multiples de Dühring. Ses remarquables études sur la science du droit et sur les questions économiques, et tout particulièrement l’essai de 1865 sur le prix de la vie, en même temps que l’Histoire critique des principes de la mécanique, 1867, étaient

  1. Grundlegung einer zeitgemässen Philosophie, Leipzig, 1871.