Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
NOLEN. — le monisme en allemagne

point de vue de la physiologie et de la descendance. Il n’eut pas de peine à montrer qu’il y avait une flagrante injustice à ne tenir aucun compte des nombreuses concessions qu’il avait apportées à son œuvre dans la succession de ses rapides éditions. On ne pouvait accuser d’ignorer la science et ses méthodes l’auteur du livre anonyme, que Hæckel avait honoré de sa solennelle approbation. Les critiques qu’on dirigeait principalement contre les chapitres sur les fonctions spontanées de la moelle épinière et des ganglions et sur l’instinct portaient sur une partie de l’œuvre que l’auteur reconnaissait avoir écrite avant de connaître suffisamment les livres de Darwin, et dont il avait de son mieux corrigé les erreurs dans l’appendice sur la physiologie des centres nerveux à la 7e édition de son livre. Mais, tout en reconnaissant sur bien des points la vérité des critiques de détail qui lui étaient adressées, Hartmann maintenait énergiquement contre les prétentions du mécanisme soit physique soit biologique les droits de la téléologie et par suite de la spéculation philosophique. Les notes de la 2e édition de l’anonyme et surtout les remarques générales déterminent avec plus de netteté qu’Hartmann ne l’avait fait jusque-là le rôle et les limites du mécanisme et de la téléologie dans l’explication de la nature. Le mouvement n’explique qu’un élément des choses, la face extérieure en quelque chose de la réalité ; mais la sensation, la pensée, l’autre élément des choses, se dérobe aux explications du mécanisme, voilà pourquoi la spéculation a toujours le droit de proposer ses explications téléologiques à côté de celles du pur mécanisme même dans le monde de l’expérience. À plus forte raison, la téléologie garde-t-elle ses droits, lorsqu’il s’agit de remonter aux principes même de la réalité ou de la connaissance.

En même temps qu’il avait à protéger contre les savants le principe et la méthode ou les détails de sa cosmologie, il devait se défendre aussi contre l’opposition non moins passionnée des philosophes. Tandis que les premiers lui reprochaient d’abuser des causes finales, ceux-ci lui en voulaient de ne pas en faire un usage suffisant. Les philosophes, à l’exception bien entendu des matérialistes et des positivistes, trouvaient que le nouveau monisme fait la part trop large et trop belle au mécanisme. Ils se refusaient à reconnaître une finalité véritable dans la pensée inconsciente qui préside au mouvement de la matière et de la vie. Beaucoup même déclaraient ne pas comprendre mieux que les savants comment peuvent s’accorder ensemble le mécanisme universel et l’universelle finalité.

À ces derniers, M. de Hartmann n’avait qu’à rappeler les enseignements trop oubliés du passé, l’exemple de Leibniz et celui de l’idéalisme hégélien. Le mécanisme, bien loin de contredire la fina-