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NOLEN. — le monisme en allemagne

science, qui est l’âme même du monisme, inspire les pages consacrées par Hartmann à la théorie de la connaissance dans ses divers écrits, dans la 3e partie des Etudes et essais, dans les remarques générales de la 2e édition de L’Inconscient du point de vue de la physiologie et de la théorie de la descendance, dans l’Essai sur le réalisme transcendantal, enfin en plusieurs passages de la Philosophie de l’Inconscient, surtout dans l’introduction du livre et au chapitre sur l’Inconscient dans le mysticisme. Hartmann a trop vécu à l’école des grands dialecticiens pour s’égarer et se complaire, comme Hæckel, dans la confusion des principes et des méthodes. Il sait quelle différence sépare la connaissance scientifique et la spéculation, l’analyse et la synthèse, Mais il soutient que ces deux voies se rejoignent et que les intuitions à priori des grands philosophes ne font que devancer et préparer les découvertes de la science. C’est que le même Inconscient inspire le génie des métaphysiciens et gouverne la marche de la nature, et qu’il révèle aux uns les lois qu’il impose à l’autre. L’unité de l’être garantit l’unité de la connaissance ; les voies qui conduisent à la vérité sont diverses, mais la vérité est une. Hartmann n’admet pas plus que Hæckel que la métaphysique puisse avoir un autre objet que la science. Sans doute la métaphysique étudie le réel dans son principe et sub specie æternitalis, tandis que la science l’envisage dans ses manifestations et son existence temporaire. Mais c’est un seul et même être, contemplé sous des aspects différents, que la pensée a devant elle. Voilà pourquoi les inductions de la science et les inspirations mystiques des grands philosophes s’appellent, se contrôlent et se complètent mutuellement.

Sur cette métaphysique repose la doctrine morale et religieuse que le nouveau monisme oppose aux théories correspondantes de Hæckel et de Strauss. Hartmann n’a encore publié que la phénoménologie de la conscience morale ; mais il est aisé de pressentir ce que sera la phénoménologie de la conscience religieuse d’après ses écrits actuels, et en particulier d’après le petit livre sur la décomposition du christianisme et la religion de l’avenir.

Autant vaut la métaphysique, c’est-à-dire la conception que les hommes se font de l’origine et de la fin des êtres, autant valent les règles morales qui les dirigent et les croyances religieuses qui les soutiennent. Le désordre présent des esprits tient aux contradictions qui éclatent à chaque instant entre les principes qui ont conquis l’entendement et ceux qui continuent de s’imposer à la volonté et au cœur. Hartmann entreprend d’en finir avec ces luttes intestines de la conscience contemporaine, et de mettre d’accord les convictions de la raison, les obligations de la conscience et les espérances de la foi.