Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
revue philosophique

rapport avec la musique, en ayant soin d’avertir que la distinction de deux ordres de sensibilité n’est qu’un artifice de méthode et que, en fait, les phénomènes que l’on sépare ainsi sont et restent intimement liés.

Il rappelle ensuite ce qu’il a déjà dit au commencement de l’ouvrage, que le son, pour nous, n’est qu’un mouvement perçu par notre oreille et manifestant la matière dans son essence. Cette vibration, ajoute-t-il, est un mouvement essentiel de la force qui se trouve partout, ici apparent, là caché. Plus subtilement organisé, notre appareil auditif le saisirait dans les pierres, dans les plantes, dans les animaux. Avec un instrument particulier, que M. Ch. Beauquier indique sans le nommer et qui est appelé tantôt dynamoscope, tantôt bioscope, on va aujourd’hui jusqu’à entendre non seulement les bruits du poumon et du cœur, que l’oreille seule peut saisir, mais encore, au bout des doigts, les bourdonnements vitaux, lesquels sont parfois assez distincts pour mériter d’être nommés les sons de la vie. J’accepte donc volontiers cette conclusion que « la vibration musicale n’est qu’une façon particulière de percevoir cette vibration universelle, cette musique de la vie qui anime tous les êtres et tous les corps, depuis le plus infime jusqu’au plus élevé[1]. » Je montrerai plus loin comment ces vues peuvent contribuer à élargir l’horizon de l’esthétique musicale.

Pour le moment, cherchons avec l’auteur quelles sont les actions que les vibrations sonores exercent sur notre système nerveux.

L’air nous environne comme un vêtement élastique. Outre le tympan de notre oreille, il remue, il secoue plus ou moins par des vibrations notre corps tout entier, Placé près d’une contre-basse, on sent, à chaque coup d’archet, une commotion à l’épigastre. À l’église, lorsque les orgues résonnent, les vibrations sonores nous ébranlent parfois de la tête aux pieds, et plus sensiblement aux tempes. L’impression reçue est alors vraiment tactile.

De ce point de vue, on aperçoit clairement deux sortes de musique, l’une excitante, l’autre calmante ; comparez les effets d’une berceuse à ceux d’un pas redoublé. « La musique lente, étouffée, aux modulations douces, ralentit la circulation, repose, calme, endort. La musique rapide, violente, heurtée, fouette le sang, ébranle tout l’organisme, pousse à l’action[2]. » M. Ch. Beauquier fait observer que, moyennant un judicieux emploi de ces ébranlements, il serait possible de traiter efficacement certaines maladies nerveuses.

  1. Philosophie de la musique, page 56.
  2. Page 62.