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NOLEN. — le monisme en allemagne

renseignements de la physiologie nerveuse avec un Jean Muller et un Helmholtz, à ceux de la physiologie cellulaire avec Schleiden et Virchow, ou de la psycho-physique avec Fechner et Wundt, aux découvertes de la zoologie comparée entre les mains de Darwin et de Hæckel. D’un autre côté, la linguistique avec Bopp et Schleicher et Steinthal, l’ethnologie avec l’école de Lazarus, l’histoire enfin par les mille voix érudites ou éloquentes du siècle lui enseignaient que l’évolution des sociétés humaines, comme celle des organismes, n’est l’œuvre ni du caprice ni de la réflexion et que la spontanéité des individus obéit dans un cas comme dans l’autre aux lois cachées d’une volonté supérieure.

En empruntant ainsi à toutes les sciences du temps les matériaux de sa philosophie de la nature et de sa philosophie de l’esprit, Hartmann ne fait que développer les principes et la méthode du monisme, et son Inconscient ne paraît pas différer du principe mystérieux invoquée par Hæckel sous le nom de Nature.

Mais Hartmann ne se borne pas à étendre l’œuvre de son devancier, il la veut corriger et en faire disparaître les lacunes et les contradictions. Il a démêlé sans peine tout ce que les définitions de la matière, de la vie, de l’espèce, de l’esprit ont d’incertain et de contradictoire dans la philosophie de Hæckel. Son ambition est de montrer que l’expérience sur tous ces points bien interprétée et l’application rigoureusement scientifique de l’induction et de l’hypothèse suffisent à autoriser ou du moins encouragent les affirmations du monisme et que la science n’est pas responsable des hésitations et des inconséquences des premiers interprètes du monisme.

Hæckel a eu tort de ne pas se prononcer avec décision sur l’essence spirituelle des éléments derniers de la réalité, sur l’association du mouvement et de la sensation au sein de chaque atome. Il n’avait qu’à prêter l’oreille aux enseignements de la physique moderne pour apprendre que la notion mathématique de l’atome disparaît chaque jour devant elle du point dynamique ou du centre indivisible de force.

Et, puisque chacune des monades de la moderne chimie agit et réagit suivant les lois d’un rigoureux mécanisme, on doit conclure qu’une raison mathématique préside, bien qu’inconsciente, à tous leurs mouvements. Il faut donc reconnaître partout avec Leibniz, sous l’apparente inertie de la matière, les énergies intelligentes qui l’animent et la meuvent. Qui nous empêche de supposer avec un éminent mathématicien, Zöllner, que ces ouvriers obscurs de la nature ont une vague conscience de l’activité qu’ils déploient, et que les phénomènes mécaniques de l’attraction ou de la répulsion