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LE MONISME EN ALLEMAGNE

(Fin)[1]

III

HARTMANN.

Edouard de Hartmann eut l’un des premiers et de bonne heure le sentiment très vif des contradictions et des lacunes du monisme de Hæckel et de ses disciples. Egalement ouvert et attentif aux enseignements de la science et de la philosophie, non moins intelligent et respectueux des doctrines du passé que des découvertes du présent, dégagé de toute entrave d’écoles ou de profession dans l’expression de ses préférences et la satisfaction de sa multiple curiosité, il entreprit, à son tour, de montrer que les données de la science ne sont pas incompatibles avec celles de la métaphysique. Il ne vise à rien moins qu’à mettre d’accord les intuitions à priori des fidèles de l’idéalisme absolu et les hypothèses laborieusement édifiées sur l’observation et le calcul des théoriciens du mécanisme et de l’évolution. Comme il s’attache à l’établir dans sa Triade philosophique du xixe siècle[2], il prétend faire revivre dans son système les conceptions originales de Hegel, de Schelling et de Schopenhauer et ne rien sacrifier de l’héritage des grands penseurs d’autrefois aux conquêtes inespérées du présent, aux promesses séduisantes de l’avenir. Il croit que l’analyse de la connaissance[3] donne raison à la fois aux exigences diverses, mais non contradictoires du réalisme scientifique et de la spéculation transcendante. Si, parmi les philosophies disparues, il s’attache de préférence à celle de Schopenhauer, ce n’est pas seulement parce que les conclusions pessimistes de cet auteur répondent aux dispositions morales de son propre esprit, mais parce que la doctrine qu’il professe que la pensée consciente n’a qu’une vérité purement subjective et ne voit dans l’intelligence

  1. Voir le n° précédent de la Revue.
  2. Ed. v. Hartmann’s, Gesamm. Studien und Aufsaetze (4e partie). Das philosophische Dreigestirn des neunzehnten Jahrhunderts (Berlin. Duncker, 1876).
  3. Hartmann’s Kritische Grundlegung d. transcend. Realismus.