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CH. LÉVÊQUE. — l’esthétique musicale en france

de la tristesse ou de la joie, de l’inquiétude ou de la tranquillité, du malaise où du bien-être que j’éprouve sous l’action de l’un ou de l’autre mode ?

Je réclame avec insistance de M. Ch. Beauquier un emploi plus complet de l’analyse psychologique, parce que, chaque fois qu’il y a recours, il s’en sert heureusement et en est bien servi. Les chapitres IV et V de la première section, si instructifs au sujet de la mélodie et de l’harmonie et desquels je ne voudrais rien retrancher, seraient cependant plus riches encore et certainement plus profonds par l’addition de quelques explications semblables à celles que j’ai louées chez M. H. Spencer. Des accords harmonieux ne nous contentent pas, dit-on. On ajoute judicieusement : « Il nous faut des formes qui se détachent sur cette étendue et auxquelles l’esprit puisse s’arrêter. Il nous faut une création plus empreinte d’intelligence humaine, où les lois de la matière dominent moins, une création plus artistique en un mot. » À merveille ; mais pourquoi nous faut-il ce surplus ? La curiosité philosophique veut le savoir ; l’esthétique doit satisfaire cette curiosité ou lui prouver qu’elle en demande trop.

Il me sera peut-être répondu que la première section est une sorte de plan de l’ouvrage qui n’en offre que les lignes générales, et que les véritables analyses de détail commencent avec la seconde section. Les pages dont j’ai parlé jusqu’ici sont à mes yeux beaucoup plus qu’une introduction ; toutes les idées principales du livre y sont exposées. Mais enfin on ne saurait les juger définitivement qu’après avoir connu les parties suivantes. Nous y arrivons.

II

Je lis en tête de la deuxième section : Effets de la musique sur l’homme considéré comme être sensible et intelligent. Ce titre convient tout à fait à un traité de psychologie musicale ; l’explication qui suit achève de montrer que tel sera bien le caractère des études qu’on va faire. La musique est la synthèse de tous les éléments considérés séparément jusqu’ici. Mais quelle est l’essence de la musique ainsi constituée ? Pour l’apprendre, il s’agit de voir, dit l’auteur, « à quelles facultés s’adresse l’art musical et quels sont ses rapports avec elles[1] ».

Il s’occupe en premier lieu de la sensibilité physique dans son

  1. Philosophie de la musique, page 53.