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aisément l’habitude, pour les pouvoir éprouver longtemps. Ce que nous venons de dire s’applique à plus forte raison au fœtus. L’activité relative de quelques-unes de ses fonctions viscérales, l’extrême sensibilité tactile de la peau résultant en partie de ce que cette enveloppe n’est pas entièrement constituée, le développement déjà considérable de la sensibilité musculaire, pourraient avoir pour résultat de faire éprouver au fœtus des sensations assez vives et assez distinctes, sous l’action de la pression, du froid et du chaud, des modifications internes de l’organisme. Mais que savons-nous sur le degré de vitalité actuelle ou virtuelle propre aux appareils et aux centres nerveux à l’époque dont nous parlons ? Le fœtus éprouve-t-il, perçoit-il les sensations qu’il nous paraît éprouver et percevoir ?

La plupart des physiologistes sont portés à croire, avec C. Vogt, que le nouveau-né est simplement « un être spinal », que ses sensations inconscientes n’abontissent qu’à des mouvements automatiques réflexes, que ses sensations quelconques et ses mouvements mécaniques n’ont pas de retentissement dans les centres d’idéation sensationnelle et motrice. Est-ce à dire que ces deux centres encéphaliques seraient fonctionnellement inactifs dans le fœtus ? La physiologie du cerveau fœtal n’a rien de décisif, que je sache, à nous apprendre sur ce point ; et le cerveau de l’enfant nouveau-né est un domaine encore plein de ténèbres.

Si je m’en rapporte aux renseignements les plus récemment publiés en France sur le développement du grand organe, ce que l’on sait du cerveau humain pendant la vie utérine se réduit à peu de chose. Il serait trop long d’indiquer ici tous les changements subis par le tube nerveux primitif dont les renflements céphaliques produisent successivement le cerveau postérieur, le cerveau moyen et le cerveau antérieur. Il suffira de dire que du quatrième mois à la fin du cinquième mois, le développement du cerveau se poursuit avec une extrême rapidité. Vers la fin du cinquième mois, le cervelet, maintenant grossi, et les tubercules quadrijumeaux, sont complètement couverts par les hémisphères cérébraux. Pendant le sixième mois, les parois des hémisphères ont épaissi ; le corps calleux s’accroit et prend une direction plus horizontale ; les lobes occipitaux se sont développés aussi ; le développement des scissures et des circonvolutions est tel que vers le commencement du septième mois on peut suivre distinctement les principales scissures. À l’époque de la naissance, d’après Bastian, les circonvolutions du cerveau de l’enfant ne diffèrent de celles de l’adulte « qu’en ce qu’elles présentent un peu moins de complications pour les détails de moindre importance… Le contour du cerveau, vu en dessus, est encore un